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inachevé de son style, pour arriver à ressaisir tout ce qu’on peut avoir de Pascal, du Pascal des Pensées, récemment découvert et mis à nu. M. Havet, on le sait, avait été précédé dans cette voie par MM. Cousin, Sainte-Beuve, Faugère ; il résume leurs investigations et les complète en certains points par la restitution de fragmens entiers, tels que le célèbre Entretien avec M. de Saci, dont le texte avait subi plus d’une altération. De l’ensemble de ces travaux, on peut le dire, il est sorti tout un homme nouveau, un penseur ému, ardent, éloquent. Pascal a aujourd’hui son édition définitive, où se trouvent réunis, à côté des Pensées dans leur premier jet, le Discours sur les passions de l’amour et les fragmens sur l’esprit géométrique, sur le mystère de Jésus, etc. Cette publication n’est point certes hors de propos, même au point de vue de notre situation intellectuelle ; elle fait de nouveau intervenir au milieu de nous ce grand et puissant esprit littéraire du XVIIe siècle, que nous devrions toujours non point imiter, mais étudier et consulter. Elle sert encore à populariser, s’il se peut, cette belle et forte langue à laquelle Pascal a ajouté l’empreinte de sa vive imagination, de telle sorte que le livre de M. Havet prend presque un caractère actuel, en même temps qu’il est un des plus estimables travaux d’érudition et de critique de ces derniers temps.

D’un autre côté, où en est aujourd’hui la poésie ? par quels signes se manifeste-t-elle ? La poésie n’est point comme les feuilles, qui renaissent presque à heure fixe tous les printemps ; elle n’a point pour elle le retour assuré des astres fidèles et des saisons heureuses. Ce qui peut la féconder est plus rare encore qu’un beau jour et qu’un rayon vivifiant du soleil. La poésie serait bien malade, s’il n’y avait d’autre témoignage que les Dithyrambes de M. Félix Martin. L’auteur des Dithyrambes a la meilleure intention de faire retentir le vers lyrique, héroïque, historique, philosophique ; il n’aboutit souvent, par malheur, qu’au vers prosaïque. C’est un assez curieux et assez impuissant mélange que cette collection d’effusions poétiques sur Kléber, le Poste du Château d’Eau et la Raison, qui vient ici dialoguer avec l’argument. L’ambition n’y manque point ; ce qui manque, c’est l’inspiration réelle et sûre d’elle-même. — Il n’y a point évidemment les mêmes prétentions dans un volume d’un titre presque mystérieux et bizarre, — les Deux Joues. À coup sûr, cela n’est ni humanitaire ni politique. Il faut plutôt s’attendre au retentissement des baisers. Pourquoi ne point le dire en effet ? ce sont des vers d’amour, — de l’amour en sonnets. Ce qu’il y a de plus curieux peut-être dans ce recueil tout rose, c’est une préface des plus spirituelles, qui dénote même une plume exercée, et où l’auteur entreprend de prouver que la poésie, après tout, est de tous les temps et de toutes les heures. Oui, sans doute, à condition que ce soit de la poésie. Les vers de M. Charles Victor, au reste, ont souvent de la grace, et une vivacité mêlée d’abandon qui ne déplaît point. L’auteur est-il jeune ? Sa préface dirait presque non ; ses vers diraient oui. Dans tous les cas, il sentira à coup sûr qu’on ne fait qu’une fois en sa vie un recueil de cent cinquante sonnets sur l’amour. Pourquoi n’ajouterions-nous pas ici un mot sur un autre genre de poésie dont il nous vient un spécimen de la Belgique ? Ce n’est point changer de langue, et puis un livre original, fût-ce un livre de Chansons, venant de la Belgique, cela a encore son intérêt. L’auteur de ces Chansons, M. Clesse, a acquis une certaine popularité dans son pays, et il n’en est point