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pour revendiquer leur liberté et se rattacher « au principe chrétien si audacieusement attaqué par les détestables doctrines de la démagogie et du socialisme. » Elles ont frappé d’une réprobation formelle, d’un vote explicite, la dictature radicale. Or sait-on dans quelle proportion les habitans de Fribourg ont pris part à cette manifestation ? Il y a dans le canton moins de vingt-cinq mille citoyens actifs, et dix-huit mille ont voté les résolutions de Posieux. Le conseil fédéral avait envoyé deux commissaires qui se sont retirés convaincus de l’importance de ce mouvement. D’un autre côté, il s’est formé immédiatement un comité pour donner suite aux vœux populaires exprimés à Posieux. Ce comité, composé de quelques-uns des hommes le plus en relief, M. Charles, M. Vuilleret, M. Von der Weid, a eu de nouveau recours au conseil fédéral ; il s’est adressé en même temps au grand-conseil radical de Fribourg ; il ne demande rien moins que la démission du grand-conseil, l’abolition du serment pour arriver à des élections auxquelles la majorité puisse prendre part, la révision de la constitution cantonale. La difficulté est de faire déguerpir des hommes qui se sont installés pour neuf ans au pouvoir, au nom du peuple. Le grand-conseil doit se réunir extraordinairement pour délibérer. Comme on voit, hier c’était à Berne que la démagogie était battue, aujourd’hui c’est à Fribourg. Sous le coup de l’assemblée de Posieux, le grand-conseil radical du Valais s’est vu également dans l’obligation de soumettre au peuple la question de la révision de la constitution. Il n’est point sûr malheureusement que le radicalisme se retire partout sans combat ; mais un des plus sûrs présages de sa défaite, c’est le réveil du bon sens populaire en Suisse. Les paysans de Berne et les vachers de la Gruyère viennent souffler sur l’édifice des songes-creux de la démagogie helvétique.

La Suisse n’a pas seulement à s’occuper de sa situation extérieure : d’autres questions d’un intérêt général s’agitent sur son territoire. L’affaire de Neufchâtel, par exemple, touche à des difficultés de droit public qui ne sont pas sans importance. Parmi leurs dispositions malheureusement très sérieuses et dont la France apprécie encore toute la gravité, les traités de 1815, rédigés par des hommes qui se piquaient d’esprit autant que de savoir-faire, ont des côtés plaisans. Sans parler du rétablissement de la principauté de Monaco, c’est ainsi qu’ils ont tenu à ce que le pays de Neufchâtel fût à la fois un canton de la république helvétique et une principauté sous la couronne de Prusse, en sorte que les Neuchâtelois n’ont jamais pu connaître exactement de qui ils relèvent et quel est réellement leur souverain. En donnant à leur constitution une forme plus unitaire en 1848, les Suisses se flattaient d’avoir tranché implicitement la difficulté. Le roi de Prusse ne gagna d’abord, à réclamer contre cette innovation pacifiquement accomplie, que d’être raillé en 1850, en plein’ conseil fédéral, par M. Druey, le premier personnage de la république en cette année-là. « Souvenez-vous, disait M, Druey au roi Frédéric-Guillaume, qu’un beau jour, en mars 1848, vous êtes monté à cheval portant une immense cocarde tricolore germanique… » Et le président du conseil fédéral déroulait avec une complaisance un peu lourde, mais non sans malice, tout ce que le roi de Prusse avait entrepris alors pour fondre la confédération germanique dans la Prusse. M. Druey en concluait que l’exemple donné par le cabinet de Berlin en Allemagne justifiait surabondamment la conduite du gouvernement helvétique à Neufchâtel. Depuis lors, la Prusse est revenue aux traités de 1815, comme au