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une croyance qui date aussi d’une haute antiquité, puisqu’elle existait, au rapport de Josèphe et d’Eusèbe, du temps des historiens chaldéens Bérose et Abydène, et qui a été adoptée par les églises orientales, fixe le point où s’arrêta le vaisseau de Noé dans la chaîne assyrienne ou Monts-Gordyéens. L’opinion arménienne, basée sur le texte des Septante, qui s’étaient conformés sans doute dans leur traduction aux idées reçues parmi les Juifs d’Alexandrie et de Palestine plus de deux siècles avant notre ère, a pour elle la sanction de tous les pères des églises grecque et latine, et elle paraît répondre beaucoup mieux que l’autre aux exigences de la position relative assignée par Moïse dans le chapitre X de la Genèse aux diverses nations de la terre connues de son temps.

En examinant les traits sailians du tableau ethnographique tracé par le législateur hébreu, on voit avec quelle exactitude il en a marqué les grandes divisions, et plusieurs des peuples qui y figurent occupent encore la place où il nous les montre. Ce tableau nous présente la race de Sem et de Cham échelonnée dans les régions du sud, et les nations de souche japhétique disséminées dans le nord, sur une zone qui, à l’ouest, se prolonge par l’Asie Mineure jusque dans la Grèce, à l’est, vers la Scythie, et dont l’Arménie forme la partie la plus élevée et pour ainsi dire le centre. Lorsque nous cherchons les primitives origines des familles humaines, c’est vers le haut massif arménien et son versant oriental que tout nous ramène, et les traditions bibliques, et les antiques souvenirs de la Perse, et les inductions qui découlent des admirables travaux de philologie comparée entrepris dans ces derniers temps par les Burnouf, les Lassen, les Bopp, sur les idiomes indo-européens ou japhétiques. La langue arménienne est un des rameaux les plus anciennement détachés de ce tronc ; elle s’y rattache par ce qu’il y a de plus intime dans le génie d’un idiome, par son système grammatical, de même que les peuples parmi lesquels elle est en usage appartiennent à la famille indo-européenne par les traits principaux de leur conformation physique. Des analogies que la science tend de plus en plus à mettre en évidence prouvent que la civilisation arienne, qui eut son foyer dans la région qui va de l’Euphrate à l’Indus, s’étendit jusqu’à l’Arménie. Au nord-ouest de la Perse, la Médie confine en effet à la plaine où le fleuve le plus considérable de l’Arménie, l’Araxe, épanche ses eaux, et qui fut, aux époques les plus reculées, le siège de la nationalité arménienne. Dans le Zend Avesta et les autres livres sacrés des Parses, l’Arménie orientale est l’Iran-Vedj, l’Iran pur, le premier endroit créé et habité sur la terre, tradition qui coïncide d’une manière frappante avec celle de la Genèse.

La configuration du sol de l’Arménie est d’autant plus curieuse à étudier dans ses détails, qu’elle est en rapport intime avec la constitution politique à laquelle ce royaume fut soumis, et qu’elle a puissamment