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Rendue ainsi à son génie naturel, l’économie politique sans nul doute se montrerait aussi féconde qu’on l’a vue stérile dans la carrière où l’esprit d’hypothèse l’a égarée depuis trente ans. L’expérience lui ouvrira non-seulement une voie plus sûre, mais des perspectives infiniment plus profondes que ne saurait faire la spéculation la plus libre. Et cela sans doute ne sera fait pour surprendre personne. Le roman le plus merveilleux, on le sait, n’est rien près de l’histoire de la nature. Sans parler de la vérité, que l’on compare seulement pour l’éclat les systèmes les plus brillans de mécanique céleste et de géologie avec le spectacle qu’offrent à la pensée humaine les récits de Newton et de Cuvier ! Il en sera de même en économie politique, lorsqu’on aura recommencé à la traiter, par la voie que lui trace l’esprit de son objet, comme une science positive et non pas hypothétique, expérimentale et non pas imaginaire. Les lois communes et diverses, générales et particulières de la production et de la répartition de la richesse sur la surface du globe et durant le cours des siècles, lorsqu’une observation attentive les aura fait découvrir, offriront un spectacle près duquel les pompeux romans de l’économie spéculative seront fort pauvres. Les causes réelles qui produisent, conservent, développent, ralentissent, diminuent, détruisent la richesse des nations, décrites avec exactitude, formeront un jour, s’il se rencontre des esprits capables d’une telle étude, un corps de science aussi propre à étonner l’imagination des hommes qu’à les instruire et à les éclairer. Qui sait même ? cet idéal humanitaire que l’école anglaise a prétendu découvrir dans la perfection spéculative du bien-être du peuple anglais, l’économie politique expérimentale peut-être finira par le trouver dans l’étude des intérêts économiques comparés de tous les peuples du globe. Il se peut qu’il existe un ensemble de lois dont l’observance dans tous les lieux et dans tous les temps contribue invariablement à rendre la production des biens de ce monde plus grande et leur répartition plus équitable ; peut-être toutes les nations, leur instinct de conservation et les besoins qu’il entraîne réservés, développent-elles un certain nombre de tendances communes que l’on voit s’appliquer heureusement en tout pays et en tout siècle ; peut-être enfin les contrariétés du monde de la richesse se résolvent-elles aussi, comme les contrariétés du reste de la nature, dans une harmonie supérieure qui les embrasse et concilie toutes ; mais quelle route nous pourra conduire quelque jour à la découverte de cet idéal, s’il existe, sinon la route de l’expérience, sinon cette route, longue, mais sûre, où l’esprit s’élève de l’observation des phénomènes à la connaissance de leurs lois particulières, de la connaissance des lois particulières à celle des lois générales, et des lois générales enfin aux lois universelles ? L’idéal de l’organisation de la nature, dans quelque ordre de choses que ce puisse être, n’est pas un secret dont la conception