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UNE VISITE


A L'ECOLE NORMALE


EN 1812.




Parmi bien des souvenirs politiques, bien des confidences reçues, ou des témoignages recueillis sur l’histoire de nos quarante dernières années, je veux choisir aujourd’hui l’anecdote la plus littéraire, la plus inoffensive pour tout le monde. Je me reporte en pensée à l’origine d’un établissement universitaire que nous possédons encore, et que j’ai eu l’occasion de bien connaître et de servir en différens temps et sous des formes très différentes : je suis à l’École normale, dans les premiers jours de sa fondation de 1811 à 1812, époque où, créée magnifiquement sur le papier par décret impérial, elle n’occupait encore qu’un réduit fort modeste dans les combles de l’ancien collège Louis-le-Grand, avec une quarantaine d’élèves et trois ou quatre maîtres seulement.

J’avais, quoiqu’à peine à l’âge de la conscription, l’honneur d’être un de ces maîtres pour une partie de l’enseignement des lettres latines et françaises. Un savant homme, le premier grammairien de notre temps, le père et l’instituteur de l’orientaliste et du critique de génie que nous envient l’Allemagne et l’Angleterre, M. Burnouf, faisait le cours principal de littérature ancienne. Un Italien de l’esprit le plus fin et helléniste d’un goût exquis, M. l’abbé Mablini, ancien secrétaire du respectable évêque de Casal, enseignait la philologie grecque ; enfin, ce qui importait beaucoup, un célèbre professeur de l’ancienne université, habile et sévère écrivain dans une difficile traduction, d’un