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rapide coup d’œil sur la numismatique en général, et d’entrer dans quelques détails sur les applications de cet art.

Il importe peu de savoir si, comme le prétend Hérodote, c’est à Phidon, roi d’Argos, que doit être attribuée l’invention des monnaies et des médailles ; nous confondons les deux genres et à dessein, car, chez les anciens, la différence ne nous paraît pas nettement tranchée, et il est hors de doute que nombre de pièces considérées comme des médailles et même des médaillons ont eu cours de monnaie sans être cependant de véritables monnaies. Seulement les médailles, frappées d’ordinaire à l’occasion de quelque événement important dont on voulait consacrer la mémoire, n’étaient en quelque sorte que des monnaies occasionnelles. On a donc eu parfaitement raison de confondre sous ce même nom de médailles toutes les pièces de monnaie fondues ou frappées qui nous viennent des anciens[1]. Chez les modernes, c’est tout autre chose. À partir du moyen-âge, la différence est nettement tranchée, et jamais les médailles proprement dites n’ont eu, comme dans l’antiquité, cours de monnaie. Aujourd’hui la confusion est moins possible que jamais, car jamais on n’a plus généralement, et quelquefois plus intempestivement, exagéré le module. Non-seulement on est sorti des trois dimensions classiques, des grands, moyens et petits bronzes, mais on a sensiblement excédé celles des médaillons[2] antiques du plus grand format, comme par exemple le médaillon d’or de Justinien, qui a trois pouces et quelques lignes de diamètre et plusieurs lignes de relief, et qui passe pour le plus grand médaillon antique. On ne s’est pas même arrêté au module des medaglioncini des Italiens ; aussi quelques-unes de nos médailles modernes sont-elles de véritables bas-reliefs de forme ronde, frappés au lieu d’être fondus, qui dénaturent le genre, et qui nous montrent l’abus qu’on peut faire du métal et la puissance du balancier.

Sous le rapport de l’exactitude historique, et comme monumens destinés à perpétuer le souvenir des actions des princes et des personnages célèbres, les médailles, nous le savons, n’ont ni l’incorruptibilité ni l’impassibilité de l’histoire, dont trop souvent au contraire elles ne semblent résumer que les passions enthousiastes et colères. Frappées en effet à l’occasion de chaque événement ou fait historique considérable, et d’ordinaire sur l’ordre même du personnage qu’elles concernent et dont elles doivent accepter toutes les exigences, elles ne nous montrent nécessairement que le beau côté des choses, exaltant aussi volontiers les méchans princes que les bons, du moment qu’ils ont en main le pouvoir. L’art, dans ces occasions, n’est plus qu’un mode de flatterie d’autant plus raffiné qu’il est plus durable. Tout en faisant la part de ces exagérations de commande, ce qui est facile, et en ne prenant tous ces personnages figurés sous les symboles de la Justice, de la Sagesse, de la Piété, de la Magnanimité, et représentés comme l’honneur ou l’espoir de la patrie, que pour ce qu’ils ont été réellement, l’étude des médailles ne nous offre pas moins

  1. Le mot grec ννόμισμα et le mot latin nummus signifient à la fois monnaie et médaille.
  2. Le nom des médailles qui vient du mot grec μέταλλον varie en italien avec leurs proportions ; on dit medaglie, medaglioni, medaglioncini, selon les diverses dimensions du module.