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embouchant une trompette avec banderoles aux armes de Richelieu, est supérieure aux deux précédentes, bien que les chevaux du char soient encore un peu lourds. Cette médaille, frappée indifféremment avec les revers de Louis XIII et de Richelieu, fut exécutée en 1630. On distingue parmi les médailles de Jean Warin celle de la fondation du Val-de-Grace, accomplissement d’un vœu de la reine Anne d’Autriche devenue mère après vingt-deux ans de stérilité, et toutes les pièces relatives à la régence de cette princesse. L’une d’elles, portant l’effigie d’Anne d’Autriche, nous montre au revers un jeune aiglon couronné et s’élevant vers le ciel : présage qui plus tard fut justifié. L’une des pièces du sacre qui représente Louis XIV, la couronne en tête et en manteau royal, porte pour légende : Salus populi suprema lex, de sorte que le couronnement de Louis XIV est assimilé à une mesure de salut public. Plusieurs médailles de Richelieu, une médaille du Vœu de Louis XIII que M. Ingres a dû consulter, le beau médaillon qui représente Louis XIII et ses enfans, sont ce que Warin a produit de mieux et suffiraient pour caractériser sa manière. Warin se distingue de George Dupré par une certaine recherche de style qui n’exclut pas cependant la naïveté de l’expression dans les effigies, ni la délicatesse du travail dans les revers, toujours heureusement imaginés.

Cinq ans avant sa mort, en 1639, le roi Louis XIII avait installé la monnaie des médailles dans les galeries du Louvre avec le titre de Monnaie du roi pour la fabrication des médailles, jetons et pièces de plaisir d’or, d’argent, de bronze et de cuivre. C’est alors que fut réunie cette collection de poinçons dont parle Voltaire. Peu de temps après, le balancier fut définitivement adopté pour la fabrication des monnaies et médailles. Warin survécut au roi Louis XIII, et, comme nous l’avons vu, il grava les principales médailles de la minorité du roi Louis XIV. Il a également exécuté quelques-unes des pièces relatives au règne de ce prince ; mais le nombre en est très restreint, tandis qu’on a peine à compter les médailles dont il a dirigé l’exécution. Warin, en effet, forma cette grande école de graveurs parmi lesquels on distingue J. Mauger, Molart, Roussel, Clerion, Bénard, Breton, Dollin, Dufour, Cheron et plusieurs autres encore. Ce sont eux qui, pendant le long règne du grand roi, gravèrent ces médailles officielles dont les poinçons, déposés aujourd’hui à la Monnaie, sont au nombre de plus de cinq cents, et toutes ces médailles, relatives aux personnages considérables du temps, qu’on rencontre en si grand nombre dans les collections, La plupart de ces pièces sont exécutées avec une rare perfection, surtout pendant la première moitié du règne, tant que dure l’influence des maîtres de la fin du XVIe et du commencement du XVIIe siècle, tant que Jean Warin est là pour faire prévaloir les saines doctrines. C’est la belle époque de l’art, qui plus tard devient stationnaire.

On conçoit que sous un prince magnifique, passionné pour la gloire, avant des instincts de conquérant, ami des arts et des lettres, grand ami surtout de l’apparat, dont le règne a duré plus de soixante-douze ans, les médailles se soient multipliées au point de former, pour ce seul règne, une suite six fois plus nombreuse que pour les dix règnes qui ont précédé. On conçoit d’un autre côté que les graveurs du temps aient épuisé toutes les formules de l’adulation, nous dirons même de l’adoration. On connaît les fameuses devises devenues les légendes des diverses médailles qui ont pour revers un soleil rayonnant,