Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

emblème du roi : Nec pluribus impar. — Sibi soli par. — Non clarior alter. — Le même système de glorification à outrance apparaît dans la plupart des médailles du grand roi. Dans le nombre, nous signalerons celle des conquêtes du roi, Victori perpetuo ; celle de la soumission de Gênes, Genua obsequens, où l’on voit le doge prêt à fléchir le genou devant le roi debout sur les marches du trône, médaille d’une merveilleuse exécution au point de vue de la réalité. Nous citerons encore les médailles du passage du Rhin, de la Hollande subjuguée, et du combat de La Hogue, où Louis XIV figure en Neptune irrité. La quatrième médaille du règne est fort curieuse. Elle représente Louis XIV enfant, revêtu du manteau royal, le sceptre en main, élevé sur un pavois que soutiennent la Providence et la France, avec cette légende : Francorum spesmagna ineunte regno[1]. On voit que, tout absolu qu’il était, le roi admettait le principe originel de l’élection, et qu’il tenait à la consécration des anciens usages.

L’exécution de la plupart des médailles de Louis XIV est fort remarquable ; la composition des revers est riche, variée, mais quelquefois un peu théâtrale. C’est le défaut de l’art du grand règne, qui, surtout vers la fin, remplace le naturel et la naïveté du siècle précédent par la richesse et la pompe, et la grace par la correction. On peut s’en convaincre par un rapide examen des médailles de cette époque les plus dignes d’intérêt.

Une des qualités les plus nécessaires à qui veut régner, et que Louis XIV possédait à un très haut degré, c’était la discrétion. Il savait se posséder et garder un secret. On a dit que l’empire était au flegmatique ; il appartient également au discret. Louis XIV, au début de son règne, donna la mesure du pouvoir qu’il avait sur lui-même et de sa discrétion dans l’affaire du surintendant Fouquet. Il n’est donc pas étonnant qu’une médaille frappée par son ordre soit destinée à rappeler le secret gardé dans les conseils du roi. Cette médaille nous montre Harpocrate, dieu du silence, appuyé sur une colonne, le doigt appuyé sur la bouche et tenant une corne d’abondance avec cette légende : Comes consiliorum. Une des plus belles médailles du règne est celle qui fut frappée en commémoration de l’incendie de la flotte hollandaise à Tabago, en 1677. On voit d’un côté une Victoire tenant d’une main des foudres et de l’autre une palme ; une galère est sous ses pieds. La Victoire, grande et superbe, est évidemment inspirée de l’antique. La médaille de la délivrance des esclaves, qui suivit le bombardement d’Alger, 1673, est digne de la médaille de Tabago. À l’exception d’une Victoire qui terrasse un Algérien en lui montrant son bouclier orné d’une tête de Méduse, tout est réel dans cette composition et plein de couleur locale, comme on dit aujourd’hui. Les deux esclaves délivrés, et que l’artiste nous montre presque nus, la tête rasée, sont surtout remarquables. La soumission de la Savoie en 1690 a également inspiré une fort belle médaille. La Savoie est représentée sous l’image d’une femme en pleurs qui s’appuie sur la main droite ; autour d’elle s’élèvent de hautes montagnes

  1. J. Mauger, 1643. Cette médaille n’a pas été frappée à cette date, non plus que la plupart des médailles de dix-huit lignes dites petite suite uniforme, que Louis XIV ne fit frapper que vers le milieu de son règne. L’Académie des inscriptions fut chargée de composer les sujets et les légendes de ces médailles, destinées à rappeler les principaux événemens du grand règne. La plupart des médailles de dix-huit lignes furent répétées aussi de plus grand module, et souvent avec des variantes.