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Victoire suit le quadrige, tenant une couronne de lauriers sur la tête du roi ; la légende porte : Decus imperii gallici (honneur de l’empire français). Cette médaille, inspirée de l’antique, est l’une des meilleures de la collection du règne de Louis XV. L’Hyménée avec son flambeau figure inévitablement dans tous les mariages, comme Mars dans tous les combats : — au mariage de Mlle de Montpensier, du premier dauphin et du comte d’Artois, depuis Charles X. On croirait lire les madrigaux du temps. Cependant l’Hyménée fait défaut au mariage du dauphin, depuis Louis XVI. Ce mariage se célèbre en présence de la France et de l’Autriche. Marie-Antoinette, et le dauphin joignent leurs mains au-dessus d’un autel où brûle le feu sacré. La légende porte : Sacrum oeternoe concordioe pignus (gage sacré d’une concorde éternelle), présage que les événemens ont cruellement démenti.

Beaucoup de médailles de ce règne ont trait à des fondations d’édifices, car, il faut bien le remarquer, Paris, dans ces quarante années, s’embellit d’un grand nombre de monumens magnifiques. Ces médailles rappellent la pose de la première pierre de Saint-Eustache, 1753 ; la fondation de Saint-Sulpice et son achèvement, 1719-1754 ; la pose, de la première pierre de Sainte-Geneviève (le Panthéon), 1764 ; la fondation de l’École militaire, 1769 ; la construction de l’Hôtel des Monnaies, 1770 ; celle du pont de Neuilly, 1772. L’institution d’un prix de numismatique en 1754 est célébrée par une médaille, ainsi que le voyage des astronomes français en 1744. Le revers de cette dernière médaille nous montre le roi Louis XV debout sur le globe terrestre, donnant ses ordres à des génies chargés d’instrumens d’astronomie, qui prennent leur vol chacun de son côté.

La plupart de ces médailles sont sans doute l’œuvre d’habiles graveurs, et l’exécution diffère peu de celle des médailles de Louis XIV ; elle paraît seulement plus hâtée et plus lâchée, et cela se conçoit pour un certain nombre de ces pièces qui n’ont que le mérite de l’à-propos et qu’il fallait improviser. On voit, du reste, que tous ces artistes savent parfaitement leur métier ; ce que l’on peut dire aussi des peintres et des sculpteurs de la même époque, qui ont beaucoup plus péché par défaut de goût que par ignorance des procédés d’exécution. L’influence de l’école de peinture à la mode se fait sentir jusque dans les moindres monumens de la numismatique : ce sont ces mêmes divinités qu’on croirait dérobées aux ballets mythologiques de l’Opéra et qui meublent d’une manière si charmante les plafonds des hôtels du temps. Seulement, comme le prestige de la couleur n’existe pas, les défauts apparaissent dans toute leur nudité et sont plus choquans. Léonard et Duvivier conservent seuls une certaine pureté et une certaine clarté, sans échapper toutefois au mauvais goût régnant ; mais chez quelques artistes, particulièrement chez les auteurs des médailles de Clairon, de Voltaire, du marquis de Laglaisière et en général dans toutes les pièces à sujet, la confusion des groupes, le flamboiement de la ligne et du contour, la multiplicité et le mauvais choix des accessoires sont poussés à l’extrême ; la décadence paraît complète.

Sous Louis XVI, et surtout pendant les premières années de son règne, l’art suit les mêmes erremens que sous son prédécesseur. Cependant on retrouve dans quelques-unes des médailles du temps ces mêmes tendances vers un art plus naturel et plus élevé que l’on observe dans les bronzes de la même époque