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stagnation du commerce anglais sur les côtes du Che-kiang. Suivant lui, après le récit d’un pareil événement, récit qui ne leur fut transmis qu’exagéré au fond de leur province natale, les marchands du Chan-si durent considérer la ville de Ning-po comme frappée par la colère céleste. Cette ville fut inscrite parmi eux au nombre des lieux néfastes. Le traité de Nan-king n’y ramena donc qu’un petit nombre des marchands qu’en avaient éloignés les horreurs de la guerre et qu’une faible partie des capitaux qui eussent, en d’autres temps, imprimé un rapide essor aux transactions commerciales.

Le consul de sa majesté britannique n’admettait point la fâcheuse influence que Mgr Lavaissière attribuait à ce souvenir funeste. Il refusait d’ajouter foi à un déplacement de capitaux qui eût dû se trahir avant tout par la décadence du commerce indigène. La mauvaise foi du gouvernement chinois lui semblait fournir une explication plus plausible d’un désappointement qu’on avait éprouvé au même degré à Fou-tchou-fou et à Amoy. Pendant que la cour de Pe-king feignait de consentir à l’ouverture des cinq ports, elle avait, disait-il, par d’hypocrites mesures, atténué autant que possible les effets de cette concession. Le gouvernement chinois ne se croit plus assez fort pour résister ouvertement aux exigences des étrangers : il lui reste l’emploi des influences occultes. On ne trouverait pas dans le Céleste Empire un seul capitaliste qui osât traiter avec les barbares sans l’aveu de l’autorité locale. Si ce spéculateur imprudent pouvait se rencontrer, ce n’est point par un éclat inutile que la cour de Pe-king punirait le scandale d’une pareille conduite. Il existe en Chine plus d’un moyen détourné d’atteindre et de châtier quiconque a encouru le déplaisir du souverain ou de ses représentans. Les persécutions violentes répugnent à ce gouvernement sournois. De perfides faveurs peuvent porter des coups non moins sûrs. C’est ainsi que la charge de percepteur de l’impôt du sel, un de ces bienfaits célestes qu’il faut recevoir à genoux, est plus redoutée des négocians chinois que la prison ou la cangue. Le malheureux auquel son opulence ou la haine de ses ennemis a valu ce dangereux honneur voit en moins d’une année sa fortune compromise. Ce n’est point assez qu’il soit obligé de subir les emprunts forcés de tous les mandarins de la province, sans le concours desquels il lui serait impossible d’exercer le monopole qui lui est conféré ; un contrat arbitraire lui impose en outre le devoir de verser en argent les fonds qu’il a recueillis en monnaie de cuivre et l’obligation de payer chaque mois le douzième d’un impôt dont le recouvrement ne s’opère que par des ventes lentement effectuées. Le privilège de fournir de nids d’oiseaux, d’ailerons de requins et d’holothuries la table impériale est encore une de ces distinctions désastreuses, — toujours accompagnées, il est vrai, d’un avancement dans la hiérarchie officielle,