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ville. Telle denrée qui, payée en bonne monnaie, ne vaudrait que 20 sous est portée à 30 sous en monnaie affaiblie, parce que c’est le cours de Paris. » Le même orateur dit plus loin qu’il arrive d’Angleterre des bateaux chargés de sous contrefaits, et que, si on tarde à prononcer la démonétisation, au lieu d’une somme de 4 millions à rembourser, il faudra trouver 30 millions. Le retirement de la monnaie faible fut en effet décrété. Au moyen d’un refrappage, les pièces de 20 et de 10 centimes furent remises en circulation pour 10 et pour 5 centimes seulement. La somme de 4,385,000 fr., montant de la fabrication précédente, se trouva ainsi réduite à 1,677,000 fr. Il y eut perte pour le trésor de 2,700,000 fr., sans compter les frais inutiles.

Après la triste expérience qu’on venait de faire, l’opinion publique se précipita, suivant l’usage, dans une exagération opposée, et il y eut un moment où l’on considéra comme indispensable de donner à la monnaie d’appoint une valeur rigoureusement intrinsèque, en évitant les alliages de métaux dont il est difficile de vérifier le titre, et le cuivre pur qu’il faudrait tailler en pièces trop volumineuses. Un savant renommé, qui était en même temps l’un des administrateurs de la Monnaie de Paris, Guiton de Morveau, imagina de faire encastrer des parcelles d’argent dans des bordures de cuivre. Le coin devait porter sur les deux métaux. De cette manière, disait-il, on pouvait assurer la valeur des espèces, tout en leur donnant les poids et les dimensions les plus commodes. Quelques pièces furent exécutées sur ce modèle, mais cet essai eut peu de partisans. On lui reprocha avec raison d’exagérer le coût de la main-d’œuvre, et de ne laisser aucun moyen de constater la bonté de l’argent, puisqu’il faut toucher les pièces par la tranche pour en vérifier le titre[1]. Un autre administrateur de la Monnaie, Mongez, de l’Institut, proposa de fabriquer des petites pièces d’argent qu’on percerait par le milieu, comme font certains peuples orientaux, de manière à ne leur laisser qu’une valeur intrinsèque de 10 centimes. La conclusion de cette controverse fut qu’il était possible de mettre le cuivre monnayé à l’abri de la contrefaçon, en évitant d’élever le cours légal trop au-dessus du prix de revient, et que la proportion des anciens sous (environ 2 grammes par centime) resterait la plus rationnelle, tant que les cours relatifs de l’argent et du cuivre dans le commerce ne seraient pas sensiblement modifiés.

Tous les partisans de la mesure adoptée répètent, en paraphrasant l’exposé des motifs, que la contrefaçon n’est plus à craindre, qu’elle sera déjouée par la supériorité du travail. Les pièces de bronze que l’on veut substituer aux pièces informes et disparates qui déshonorent

  1. Voir dans le Traité des Monnaies de Bonneville, l’introduction de Mongez.