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contribuables, et ensuite les salariés de toutes classes. L’état, condamné par sa propre loi à recevoir de la monnaie au-dessous de cinq francs, toucherait une notable partie des petites contributions en espèces dont le change présenterait de la perte. On verrait aussi des chefs d’industrie cédant à la malheureuse pensée d’acheter du cuivre au-dessous de sa valeur nominale pour payer leurs ouvriers, spéculation qui leur procurerait le même bénéfice qu’une réduction de salaires. Si de tels désordres venaient à se produire, il faudrait recourir en toute hâte au remède déjà employé en 1796 ; il faudrait retirer de la circulation la monnaie trop faible de poids : il en coûterait pour cela une quarantaine de millions, et ce sacrifice d’argent ne serait pas la plus grande perte subie par le pays.

Qu’on ne nous accuse pas d’assombrir un tableau de fantaisie ; nous faisons tout simplement de l’économie politique appliquée. Nous rapportons à une situation donnée ce que les théoriciens ont exprimé d’une manière générale en parlant des monnaies de cuivre, Say, dont on invoque avec raison le témoignage, dit que lorsqu’on pouvait payer en cuivre la quarantième partie des achats, cette circonstance réagissait en hausse sur les prix. « Les vendeurs de toute espèce de marchandises, dit-il, qui, sans savoir les causes qui influent sur les valeurs des monnaies, connaissent bien ce qu’elles valent, faisaient leurs prix en conséquence. » M. Michel Chevalier est plus explicite encore. Le talent dont il a fait preuve dans son excellent livre sur les monnaies[1] donne tant d’autorité à son jugement en pareille matière, que nous nous faisons un devoir de le citer. Lorsqu’il y a dépréciation du cuivre, dit-il, « les marchands détaillans auxquels il en arrive des quantités excessives, et qui ne peuvent le refuser de leurs pratiques, n’ayant pas le moyen de l’écouler, font un sacrifice avec les marchands en gros ou avec les autres personnes qui consentent à s’en charger ; mais ce sacrifice retombe tout droit sur le public, car ils ne se font pas faute d’élever le prix de leurs denrées tout au moins du montant de la perte qu’ils ont subie. »

Une observation également importante nous a été communiquée par une personne qui a étudié avec intelligence et sympathie les diverses industries rurales. Les sous étrangers circulent facilement dans les campagnes, lorsqu’ils sont en apparence de même poids et de même valeur que les nôtres. Les sous anglais sont nombreux sur les côtes de la Manche, les sous suisses dans les départemens de l’est, les sous piémontais dans l’Isère et la vallée du Rhône. Nos départemens du nord sont parfois inondés de sous belges. Certaines médailles de confiance,

  1. Ce traité, publié l’année dernière, forme le troisième volume du Cours d’Economie politique.