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dans l’ordre politique comme dans l’ordre moral et intellectuel, les peser dans leur frivolité ou leur importance, et les rapprocher du but auquel il faut tendre.

Au point de vue politique, quels incidens se sont produits dans cette dernière période ? Ils sont peu nombreux. Le sénat a été saisi de la loi sur la refonte des monnaies de cuivre. Le conseil d’état élabore le budget ; ce sera probablement la grande affaire du corps législatif, qui n’a en travail, pour le moment, qu’un projet sur la réhabilitation des condamnés. Dans cette lenteur des travaux législatifs, il se fait toujours sentir évidemment quelque chose de ces difficultés dont nous parlions l’autre jour, inhérentes à la manière de fonctionner des assemblées nouvelles. Nul ne sait trop au juste encore quelle est sa place et quelle est la mesure de son action. C’est sans doute pour résoudre quelqu’une de ces difficultés intérieures qu’un récent décret réglait les rangs honorifiques des nouveaux corps de l’état, et plaçait le sénat en première ligne, le corps législatif ensuite, le conseil d’état en dernier lieu. Ces incidens secondaires s’effacent, an surplus, devant une question qui ne serait rien moins qu’une question de constitution et de gouvernement, et qu’il est permis de signaler comme un des élémens de notre histoire la plus actuelle. Il s’agissait, à vrai dire, de savoir si la république était sur le point de finir tout-à-fait, et si 1804 allait de nouveau sonner pour la France. Déjà, on s’en souvient, M. le président de la république, dans son discours d’inauguration de la session législative, avait assez hautement indiqué le cas où une transformation de ce genre pouvait entrer dans ses prévisions. Cette éventualité avait naturellement fait le tour de l’Europe, et la diplomatie s’en était occupée. Le prince de Schwarzenberg, à ce qu’il semble, avant sa mort, s’en était ouvert à quelques gouvernemens ; il ne paraissait, quant à lui, nullement prévenu contre une nouvelle transformation du pouvoir en France. Le prince de Schwarzenberg, sorti comme homme d’état des révolutions de 1848, moins que tout autre peut-être, se sentait accessible aux ombrages contre les pouvoirs datant de la même époque et réagissant contre les influences révolutionnaires. Cela explique du moins les dispositions dans lesquelles la mort l’a surpris et la démarche dont il a été question. Joignez au retentissement de cet incident diplomatique les commentaires intérieurs, les possibilités transformées en certitudes, l’imagination publique achevant ce cercle, cette reproduction de notre histoire passée dont nous parlions tout à l’heure : — voilà comment il a été un moment établi que l’empire devait être proclamé le 10 mai au Champ-de-Mars par cent mille hommes réunis pour la distribution des aigles. Une note officielle est venue démentir ces bruits, en ajoutant que les acclamations de l’armée n’avanceraient point l’empire d’une heure. Nous trouvons, quant à nous, la note officielle très juste. L’armée ne peut point faire de gouvernemens, parce qu’il s’en suivrait qu’elle pourrait les défaire, et alors ce n’est point seulement au fondement essentiel de tout régime politique qu’elle porterait atteinte : ce serait à sa propre constitution, à sa propre discipline, à ce qui fait son autorité et sa force. Son honneur est d’obéir en suivant l’impulsion du pays tout entier.

Ce qui fait que les symptômes intellectuels sont un élément inséparable de notre situation politique, c’est que nous sommes un peuple vivant essentiellement par l’esprit. Le Français n’est point peut-être un animal politique suivant