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commerciaux qui viennent d’être l’objet d’une convention conçue dans un sens très libéral. Le traité de commerce signé entre la France et le Piémont fait un pas nouveau dans la voie de l’abaissement des tarifs de douane. La production des vins français surtout gagne un marché qui a son importance. Autrefois nos vins, pour entrer en Piémont, payaient un droit qui variait, suivant la qualité, de 20 à 50 fr. par hectolitre ; aujourd’hui ils ne sont plus soumis qu’à un droit uniforme de 3 fr. 50 cent. Ce n’est là d’ailleurs qu’un des avantages de la récente convention. Voici déjà quelques années que la France se préoccupe avec un soin particulier de signer des traités de commerce. Plus que tout autre le ministre actuel des affaires étrangères, M. de Turgot, y met un zèle digne d’être remarqué. Le plus triste effet de nos agitations intérieures, ce serait si elles pouvaient nous faire oublier le soin et la défense de nos intérêts du dehors.

Ce n’est point dans le Piémont seulement, an surplus, que peut s’exercer l’activité de notre diplomatie et qu’elle s’exerce en effet. Le gouvernement belge doit savoir aujourd’hui que notre gouvernement n’est nullement disposé à sacrifier un de nos plus sérieux intérêts, celui de la propriété littéraire, à l’industrie louche et malvenue fomentée par la Belgique. Ce qui peut surprendre, ce sont les difficultés chaque jour renaissantes soulevées à ce sujet par le cabinet de Bruxelles, lorsque M. Charles Rogier lui-même, en 1851, prenait devant les chambres belges l’engagement d’abolir la contrefaçon. Ce cabinet objecte aujourd’hui qu’il n’obtiendrait point du parlement la ratification du nouveau traité, s’il ne sauvegardait pas cette industrie jusqu’à la fin de 1852, au moins pour les ouvrages périodiques et ceux en cours de publication. Ceci est simplement un faux-fuyant, puisque les députés des Flandres, les députés catholiques et la plupart des députés libéraux eux-mêmes sont opposés à la contrefaçon. Ses seuls défenseurs sont les députés de Bruxelles, parmi lesquels se trouve M. Cans, le chef de cette exploitation du bien d’autrui, et ils la défendent en exagérant son importance réelle. M. Verhaegen ne disait-il pas un jour que la contrefaçon occupait 50,000 ouvriers dans un pays qui, d’après les statistiques officielles, n’en compte guère que 314,842 dans toutes les branches de l’industrie ? Voilà la singulière pression à laquelle obéit le cabinet de Bruxelles ! En dehors même de toute considération morale, voilà l’industrie qu’il met en balance avec les intérêts les plus vitaux de la Belgique, l’industrie linière, l’industrie des houilles, qui ont besoin d’un traité avec la France ! Nous sommes en effet très fondés à croire que notre gouvernement n’est point disposé à consacrer dans la nouvelle convention, même pour une durée restreinte, ce qu’il considère comme un vol, et nous l’en applaudissons. Or, le traité actuel expire le 10 août prochain ; il est donc plus que temps d’y songer. Nous ne doutons pas que M. le ministre des affaires étrangères ne mette à clore cette négociation la fermeté qu’il a mise à la traiter. Le gouvernement belge lui-même devrait bien voir pourtant que c’est là une industrie condamnée. Se refusât-il à faire droit aux légitimes prétentions de la France, la contrefaçon est chaque jour de plus en plus cernée par les traités signés avec les autres pays ; il faut bien qu’elle meure, et, au lieu de mourir de bonne grace, elle mourra de consomption, assez honteusement, comme elle a vécu. La Suisse continue à avoir ses agitations. Elle était entrée dans cette carrière