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Mlle de Bourbon et de Mme de Longueville nous demeuraient à peu près impénétrables.

La lumière nous est venue du côté où nous ne l’avions pas d’abord cherchée.

Dans un débris du couvent du faubourg Saint-Jacques, épargné par la tourmente révolutionnaire et subsistant à grand’peine, de pauvres religieuses échappées à une stupide persécution ont essayé, il y a cinquante ans, et sont enfin parvenues à recueillir la tradition carmélite, et aujourd’hui encore elles la continuent dans l’ombre, la prière et le travail :

Praecipites atra seu tempestate columbae,
Condensœ et divum amplexae simulachra sedebant.

Las de fouiller inutilement les archives et les bibliothèques, je me suis adressé à ces bonnes religieuses, et la plus gracieuse bienveillance m’a répondu. Les deux documens qui m’étaient nécessaires m’ont été remis, avec des annales manuscrites et un recueil de biographies amples et détaillées. Grace à ces précieuses communications, on s’oriente aisément dans l’histoire des Carmélites du faubourg Saint-Jacques. Sous les pieuses désignations et sous les symboles mystiques du Carmel, on reconnaît plus d’une personne qu’on avait déjà rencontrée dans les mémoires du temps. Au lieu d’êtres en quelque sorte abstraits et anonymes, nous avons devant nous des créatures animées et vivantes, dont les regards ont fini sans doute par se diriger vers le ciel pour ne s’en plus détourner, mais qui plus ou moins long temps ont habité la terre, connu nos sentimens, éprouvé nos faiblesses, et, en demeurant toujours pures, ont passé quelquefois à côté de la tentation et participé de l’humanité. Un jour peut-être, nous livrerons au public la clé qui nous a été prêtée et qui donnera le secret de bien des choses mystérieuses dans l’histoire intime des mœurs au XVIIe siècle. Ici, nous nous permettrons seulement quelques traits rapides qui puissent éclairer cette partie obscure de la jeunesse et de la vie tout entière de Mme de Longueville.

Sainte Thérèse, morte en 1582, avait réformé en Espagne l’ordre antique et dégénéré du Carmel. La sainte renommée des nouvelles carmélites d’Espagne s’était promptement répandue en Italie et en France. Une femme admirable, Mme Acarie, depuis la sœur Marie de l’Incarnation, eut l’idée d’envoyer chercher en Espagne quelques disciples de sainte Thérèse, et de les établir à Paris au faubourg Saint-Jacques. Voilà l’origine du premier couvent des carmélites françaises.

Ce sont deux princesses de Longueville qui obtinrent d’Henri IV, en 1602, les lettres-patentes nécessaires, Catherine[1] et Marguerite

  1. Archives générales, section domaniale, 1re liasse de la cote C : « Lettres patentes du roy Henri IV pour l’établissement de l’ordre des religieuses de Notre-Dame du mont Carmel, vérifiées en parlement le 1er octobre 1602, à la très humble supplication de notre chère et bien aimée cousine, la demoiselle de Longueville. » Et en d’autres pièces il est dit aussi : « Le dit seigneur (le roi Henri), inclinant favorablement à la supplication faite par demoiselle Catherine d’Orléans, fille de feu messire Henry d’Orléans, duc de Longueville et de Tonteville… »