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ancienne clôture ; après avoir proposé l’affaire en plein chapitre, et avec la permission de leurs supérieurs… en considération de la grande piété dont lesdites dames princesses font profession… et de la très charitable affection qu’elles ont toujours portée à l’ordre des Carmélites et particulièrement à ce monastère, ont volontairement admis les dittes princesses pour fondatrices, à l’effet de jouir de tous les privilèges accordés aux fondatrices… à savoir de la libre entrée du monastère toutes les fois qu’il leur plaira, pour y boire, manger, coucher, assister au divin service et autres exercices spirituels, avoir part à toutes leurs prières, veilles et autres œuvres pieuses qui se font journellement, ont de plus consenti que la dite dame princesse puisse jouir du privilège qu’elle a obtenu du saint père de faire entrer deux personnes avec elle trois fois le mois, comme elle a fait jusqu’icy… à condition toutes fois que les dittes deux personnes ne pourront demeurer dans le monastère passé six heures du soir en hiver et sept en esté… Ce qu’ayant accepté… les dittes dames sont obligées de continuer l’honneur de leur bienveillance aux révérendes, et aussi de subvenir aux frais et dépenses du bâtiment. »

En conséquence de cet acte, Mme la Princesse donna plus de 120,000 livres à différentes reprises, quantité de pierreries, d’ornemens pour l’église de reliques qu’elle fit enchâsser avec une magnificence qui répondait à sa piété et à sa grandeur. En même temps, elle s’empressa de jouir de ses droits, et, en attendant que le bâtiment nouveau où elle devait loger fût achevé, elle prit au couvent avec sa fille un appartement qu’elle meubla en quelque sorte à la carmélite. Son lit et tous ses meubles étaient en serge brune. Elle passait des huit ou quinze jours de suite dans ce désert, s’y trouvant mieux, disait-elle, qu’au milieu des plus grands divertissemens de la cour. Jamais une simple particulière n’aurait pu pousser plus loin le respect pour la règle de la maison. Elle s’assujettissait aux plus longs silences dans la crainte de troubler celui qui était prescrit. Quelquefois, se voyant seule dans sa chambre avec les deux religieuses qui lui tenaient compagnie, elle avouait qu’elle avait peur et que le soir elle les prenait pour des fantômes, parce qu’elles ne lui parlaient que par signes et pour les choses absolument nécessaires. Plus tard, elle voulut avoir une cellule dans le dortoir aussi simple que toutes les autres. « Elle eût volontiers, dit l’histoire manuscrite qui nous a été confiée, employé tous ses biens pour l’utilité ou l’embellissement du couvent, si l’on n’eût usé d’adresse pour lui dérober la connoissance des besoins les plus légitimes. Quelquefois elle s’en plaignoit avec des grâces infinies : — Si vos mères vouloient, je ferois ici mille choses ; mais elles ne peuvent pas ceci, elles ne veulent pas cela, et je ne puis rien faire. — Cette grande princesse qu’une fierté naturelle rendoit quelquefois si redoutable devenoit ici l’amie, la compagne, la mère de quiconque s’adressoit à elle. Jamais on n’y sentit son autorité que par ses bienfaits. La volonté de la mère prieure étoit sa loi ; elle la nommoit notre mère, se levoit dès qu’elle