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l’apercevoit, se soumettoit à ses commandernens avec une douceur charmante, et on la voyoit au chœur, à l’oraison du matin, à tout l’office, au réfectoire, pratiquer les mortifications ordinaires, et abattre sa grandeur naturelle aux pieds des épouses de Jésus-Christ avec une humilité qui la leur rendoit encore plus respectable. »

Admise avec sa mère dans l’intérieur du monastère, Anne-Geneviève y remplissait son ame des plus édifiantes conversations, des plus graves et des plus touchans spectacles. Partout elle ne rencontrait que des vivantes déjà mortes et agenouillées sur des tombeaux. Ici, c’était le tombeau du garde-des-sceaux Michel de Marillac, mort dans l’exil, à Châteaudun, dans cette même année 1632, où Richelieu fit trancher la tête à son frère le maréchal de Marillac et à l’oncle de Mlle de Bourbon, le duc de Montmorency ; là, c’étaient les monumens funèbres de deux femmes de la maison de Longueville, Marguerite et Catherine d’Orléans. Elle ne se doutait pas alors qu’un jour, dans ce même lieu, elle verrait ensevelir sa brillante amie, la fameuse Julie, Mlle de Rambouillet, devenue duchesse de Montausier ; qu’elle y verrait apporter le cœur de Turenne, ce cœur qu’elle devait troubler et disputer un moment au devoir et au roi ; que plusieurs de ses propres enfans y auraient aussi leur tombe, et qu’elle-même y reposerait à côté de sa mère, Mme la Princesse, et de sa belle-soeur, la douce, pure et gracieuse Anne-Marie-Martinozzi, princesse de Conti[1].

Mlle de Bourbon voulut à son tour être une des bienfaitrices des Carmélites et leur faire les présens qui leur pouvaient agréer le plus. Elle obtint du pape Urbain VIII les reliques de sept vierges martyres, avec un bref du saint-père attestant leur authenticité, et que les noms de chacune de ces victimes de la foi avaient été trouvés entiers ou abrégés sur la pierre qui tenait leurs corps enfermés dans les catacombes. Reportons-nous au temps ; plaçons-nous dans un couvent de carmélites, et nous nous ferons une idée de la sainte allégresse qui dut remplir toute la maison en voyant arriver ce magnifique et austère présent[2]. La reine Anne, touchée d’une pieuse émulation, joignit à ces reliques celles de sainte Paule, dame romaine, l’illustre amie de saint Jérôme. On venait de retrouver à Palerme le corps de sainte Rosalie, petite-fille de France. M. d’Alincourt l’obtint et l’offrit. Mlle de Bourbon fit placer toutes ces reliques dans une châsse d’argent en forme de dôme surmonté d’une lanterne, et autour furent mises quatre figures représentant les évangélistes.

Le duc d’Enghien voyant cette sœur, qu’il adorait et dont il connaissait

  1. Histoire manuscrite, t. Ier. Épitaphes de Michel de Marillac, de Marguerite et Catherine d’Orléans, de Mme la Princesse, de la princesse de Conti, etc.
  2. Histoire manuscrite, t. Ier, p. 491 et 492.