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personnages dont la présence et le caractère ne sont pas faciles à expliquer. Il est permis de se demander pourquoi Homère aveugle assiste à la Comédie humaine, comédie réduite à la pantomime dans la pensée de l’auteur. On peut blâmer la jeunesse de Diogène. Toutefois, malgré ces réserves, il est impossible, pour peu qu’on soit de bonne foi, de ne pas admirer l’élégance de tous les groupes rangés autour du théâtre. Je crois que M. Hamon eût mieux fait en baptisant ce théâtre du nom de Minerve : le nom de Guignol, si populaire parmi les bambins ; ne s’accorde guère avec les personnages de tous les siècles et de toutes les nations rassemblés par le caprice de l’auteur ; mais ce n’est là qu’une remarque secondaire, qui n’enlève rien au mérite général de la composition. Sophocle et Aristophane, Dante et Pétrarque sont très bien conçus et empreints du caractère qui leur appartient. Ce n’est pourtant pas cette partie du tableau que je préfère. Toute ma prédilection se concentre sur les enfans assis devant le théâtre de Guignol. C’est là en effet que l’auteur a prodigué toutes les ressources de son talent. Comment ne pas contempler avec bonheur ce bambin à la chevelure blonde dont la mère essuie les larmes avec des baisers ? Quant au sens moral de cette composition, n’en déplaise aux aristarques moroses, je ne le crois pas difficile à saisir. La sagesse de Minerve triomphant de l’Amour et de Bacchus ne sera jamais une énigme impénétrable pour ceux qui voudront bien prendre la peine de réfléchir pendant cinq minutes. Peut-être eût-il mieux valu, pour obéir aux usages du théâtre de Guignol, nous présenter l’Amour terrassé par Minerve comme Bacchus, au lieu de nous le montrer pendu : c’est une objection que je soumets à M. Hamon sans y attacher grande importance. Je me plais d’ailleurs à louer sans restriction le choix des couleurs. Tous ceux qui ont étudié les peintures d’Herculanum et de Pompeï, les Noces aldobrandines conservées au Vatican, reconnaîtront dans le tableau de M. Hamon un écho de l’art antique. Pour blâmer la sobriété des tons, il faut ignorer complètement les précédens que j’invoque. Traitée dans le goût de l’école espagnole ou de l’école flamande, la Comédie humaine perdrait la moitié de sa valeur. C’est précisément à la sobriété des tons qu’elle doit la meilleure partie de son élégance et de son élévation. Je n’insiste pas davantage, car ce serait perdre mon temps. Quant aux esprits rigoureux qui veulent savoir la raison de toute chose et qui condamnent la Comédie humaine comme une composition dépourvue de vraisemblance, je prendrai la liberté de ne pas leur répondre ; car, si je leur donnais raison, il me faudrait condamner du même coup Aristophane et Rabelais, Swift et Hoffmann, qui certes n’ont jamais professé un grand respect pour la vraisemblance. Pourtant, malgré cette témérité, ils : occupent dans l’histoire