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sous terre, selon la loi invariable de toutes les révolutions, et ne songeait qu’à dérober sa tête aux condamnations poursuivies par ses adversaires avec plus d’ardeur que de prudence. Quelques efforts que fît le cabinet Fouché-Talleyrand pour contenir cet entraînement, indice assuré de sa propre chute, et pour provoquer des choix modérés ; quelle que fût la chaleur avec laquelle le roi entrât lui-même dans la politique de conciliation que lui conseillaient ses alliés et dont il avait fait le programme de son second avènement, rien ne put arrêter le flot montant de l’opinion victorieuse. Le pays qui avait élu la constituante, acclamé l’empire et porté aux extrémités de l’Europe ses principes avec ses armes, envoya spontanément au pouvoir, qui ne la lui demandait pas, une chambre presque unanime dans sa haine pour les idées et les hommes de la révolution, et qui voyait dans la royauté la pierre angulaire d’un vaste édifice à élever sur une base aristocratique et religieuse.

Parmi les causes qui concoururent à l’élection de la chambre de 1815, peut-être faudrait-il indiquer la présence aux affaires du cabinet qui la convoqua. Bien loin d’être en mesure de contenir l’opinion royaliste ; ce cabinet la surexcitait violemment en soulevant par sa composition même les répugnances les plus légitimes. Si l’on ne connaissait à fond tous les détails de la négociation qui fit passer le ministre de la police de Napoléon dans le cabinet de Louis XVIII, il serait assurément très facile de deviner dans cet arrangement une inspiration de l’étranger. Jamais en effet combinaison politique ne fut en désaccord plus manifeste avec l’état des choses et l’instinct de la nation. Sachant combien le nom de M. de Blacas avait été funeste à la première restauration, et convaincus que le parti royaliste avec ses seules forces était incapable d’exercer ou du moins de conserver le pouvoir, les souverains insistaient auprès du roi pour qu’il refusât toute participation aux affaires à son entourage habituel, et pour qu’il se confiât à des hommes intelligens, dont les antécédens aideraient à grouper autour du trône les forces vives de la nation. Le duc de Wellington, qui avait hérité du patronage exercé par l’empereur Alexandre en 1814, et dont l’honorable rôle dans ces jours difficiles mériterait d’être apprécié avec plus de justice, donnait surtout ces conseils de modération avec l’autorité qui s’attachait au plénipotentiaire victorieux du plus grand état constitutionnel. Ce fut donc au double titre d’esprit supérieur et d’homme compromis dans la révolution qu’il imposa le duc d’Otrante aux répugnances trop naturelles du frère de louis XVI. Or un pareil choix ne pouvait manquer d’aller à l’encontre du but que l’on se proposait d’atteindre, car il soulevait au sein de l’opinion royaliste des irritations beaucoup plus dangereuses en ce moment-là que les alarmes auxquelles on s’efforçait ainsi de remédier. Pour avoir compris durant les cent-jours l’impossibilité matérielle de résister à l’Europe et pour