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Hérard, leurs luttes contre la constituante, l’insurrection dominicaine et le fédéralisme noir, la levée en masse, les mesures draconiennes par lesquelles ils voulurent arrêter le mouvement, qui n’en fut que précipité, y sont racontés, au besoin défigurés, en une enfilade de couplets d’assez vive allure, et ce journal rimé, circulant, par le courant électrique de l’entrechat, d’un bout à l’autre du pays, acheva la débandade. En voici quelques fragmens que nous traduisons, en regrettant de ne pouvoir transporter dans la prose française toute la naïveté concise du texte original[1]

« La constituante se met tout de bon en colère - en voyant le pays souffrir tant de misère. — Elle somme Rivière de rendre ses comptes ; — Rivière se fâche pour cacher son embarras.

« Les Espagnols (Dominicains) sont soulevés, les Cayes sont soulevées, — de ci, de là, tout le pays est chaviré ; — voilà le bien-être - que Rivière promettait au peuple.

« Rivière est parti pour réduire les Espagnols, — les Espagnols lui font danser la carmagnole ; — les Espagnols lui donnent du canon, — et lui bat en retraite demandant pardon.

« Le général Dumesle, quand il a bu du tafia, — veut que tout le monde soit soldat. — Par une proclamation, — il supprime la constitution.

« Il appelle Lazarre, il appelle Laudun, — il appelle Féry, il appelle Gélin. — Il leur dit, comme autrefois Christophe : — C’est en faisant couler le sang, que nous réduirons le pays.

« Lazarre lui dit non, Féry lui dit non, — Gélin lui dit non, Laudun lui dit non. — Lui dit : Je m’en…, — j’ai carte blanche ; ce que je fais est bien fait.

« Et vous, Bellanton, prenez un bâton, — et vous, Paul Bayard, prenez un poignard ; — c’est par ces moyens de discipline - que nous soumettrons ce peuple-là comme au temps de Dessalines.

  1. Nous donnons comme exemple de cette concision quelques citations du texte créole :

    Constituants la yo, yo trop en colère
    Quand yo voir pays souffrir trop misère ;
    Yo dit Rivière rendre compte (ter),
    Rivière prend colère pour cacher la honte.
    Général Dumesle, quand li boire tafia,
    Li vlé toute monde entré dans soldat :
    Li faire proclamation
    Pour renversé la constitution.
    Li hélé Lazarre, li hélé Laudun,
    Li hélé Féry, li hélé Gélin,
    Li dit comme roi Henri :
    Il faut sang couler pour ranger pays.
    Lazarre dit li non, Féry dit li non,
    Gélin dit li non, Laudun dit li non.
    Li dit : Moin fou bien,
    Moin gagné carte blanche, tout ça moins fait bien, etc., etc.