Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


14 mai 1852.

Observer une époque comme la nôtre, fatiguée par tant d’essais et de révolutions, cela n’est point toujours gai, mais c’est du moins instructif. Quelle étude plus remplie de saisissantes révélations pour qui saurait les recueillir On peut se procurer le spectacle de bien des efforts trompés, de bien des événemens qui tournent contre les vues de leurs propres auteurs, de bien des révolutions qui aboutissent aux résultats les plus inattendus et de bien des rapprochemens curieux qui ne laissent point que de caractériser notre temps. Voici en peu de jours quelques dates qu’un hasard ironique semble avoir réunies en changeant étrangement leur signification, et qui, dans leurs fortunes diverses, résument nos vicissitudes. C’est d’abord le 4 mai, anniversaire de la proclamation de la république par l’assemblée constituante de 1848 ; c’était à cet anniversaire qu’était promise la pompe des fêtes, et il est passé assez obscurément avec quelque apologie solitaire pour toute commémoration. Le 10 mai était le jour marqué pour le périlleux interrègne de l’autorité publique dans notre pays, et il s’est trouvé, à l’échéance, que toute une population assistait, au milieu des appareils militaires, à une sorte de résurrection du pouvoir le plus entier qu’ait eu la France depuis un demi-siècle. Il y a cependant des esprits, nourris de longues et singulières illusions, qui paraissent ne point soupçonner le sens et la connexité des mouvemens qui se résument dans ces deux dates ; ils ne veulent point comprendre que, si le 10 mai a pu être à ce point la fête de l’autorité souveraine appuyée sur la force victorieuse de l’armée, c’est qu’on en avait trop fait le jour redouté d’une conflagration possible de la société française. Les peuples n’aiment guère qu’on place comme des étapes dans leur vie des jours de combats et de luttes tragiques où ils risquent de s’abîmer corps et biens, sans compter l’honneur parfois ; ils échappent volontiers à tout prix à ces alternatives. On leur a marchandé la sécurité, et, sans se souvenir de ce qu’ils ont voulu, aimé ou espéré, ils finissent par ne plus marchander le pouvoir à qui s’offre pour les tirer de leur incertitude. On les a repus d’agitations,