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M. Boccella pour la suppression ; le grand-duc hésitait entre ces deux influences, Les lois léopoldines seront aujourd’hui probablement maintenues ; mais M. Baldasseroni a dû concéder une suppression d’un autre genre, celle du statut de 1848, qui n’existait plus, il est vrai, depuis long-temps que de nom, et l’abrogation des dispositions législatives qui avaient achevé à cette époque l’émancipation des Israélites, en leur accordant les mêmes droits civils et politiques qu’aux autres citoyens. C’est entre les deux partis une sorte de transaction dont le statut et les Juifs paient les frais. Telle qu’elle est, si elle s’accomplit, cette mesure, on le voit, ne laisse point encore d’avoir sa gravité ; son plus fâcheux caractère, c’est de porter atteinte à une situation acquise, à des droits consacrés, dont rien ne démontre que les Juifs aient usé d’une manière contraire aux intérêts du pays. Cette mesure peut avoir un assez mauvais résultat à un autre point de vue ; déjà on annonce l’émigration en Piémont de plusieurs familles israélites établies à Florence et jouissant de fortunes considérables. Peut-être encore, au reste, des conseils plus mûris peuvent faire prévaloir d’utiles adoucissemens. Il est aujourd’hui des tolérances que les gouvernemens peuvent et doivent avoir dans leur intérêt même, pour ne point laisser dégénérer des retours salutaires en excès qui ont souvent le malheur de préparer des réactions d’une autre espèce.

En Espagne, il y a plutôt aujourd’hui des symptômes que les élémens réels d’une situation nouvelle. Un de ces symptômes, c’est la démission du ministre de la marine, le général Armero, désigné comme ayant refusé de s’associer aux plans de transformation politique attribués au gouvernement. D’un autre côté, un grand nombre de journaux ont cessé de paraître par suite du récent décret sur la presse. La plupart n’ont pu remplir la condition d’un éditeur responsable payant un chiffre assez élevé d’impositions. Il semble y avoir un moment d’attente à Madrid. Ce qui est à remarquer d’ailleurs, c’est une certaine indifférence dans la masse du pays pour les questions politiques. Les esprits se préoccupent volontiers d’autres intérêts. Le roi vient en ce moment de poser la première pierre du chemin de fer d’Alar à Santander. Destinée à se prolonger jusqu’à Madrid, cette voie nouvelle se reliera à celle qui est aussi en construction aujourd’hui, et qui se dirige vers la Méditerranée par Almansa. Les projets de ce genre sont nombreux au-delà des Pyrénées, et la réalisation de ces grands travaux publics pourrait singulièrement contribuer à la consolidation politique du pays.

Que dirons-nous du peuple le plus voisin de l’Espagne et qui lui tient par tant de liens, — du Portugal ? Ceux qui visitent ce pauvre pays en font vraiment les plus navrantes peintures. Le Portugal continue à jouir des douceurs de l’autocratie soldatesque de Saldanha. Bon militaire d’autrefois et triste politique d’aujourd’hui, le vieux maréchal portugais semble perfectionner l’art du dégouvernement absolu, ou de l’anarchie, si l’on veut plus simplement. Totalement dépourvu de caractère, Saldanha autorise le mal, laisse dilapider les finances de l’état ; chacun met la main quand il peut dans les caisses publiques, à mesure qu’il y rentre quelque argent, de telle sorte que le vide est à peu près l’état habituel du trésor. Excepté l’armée, aucun service n’est payé ; les employés meurent de faim, ou il faut bien qu’ils se paient eux-mêmes. La reine elle-même n’est guère mieux traitée et n’a pas le plus souvent de quoi