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trouve très bien justifié. Il est difficile de comprendre que le gouvernement espagnol n’ait pas songé autrefois à tirer un meilleur parti de cette baie.

Le port de Chagres est situé tout près de là, à l’embouchure de la rivière de même nom. Il n’est accessible qu’aux navires dont le tirant d’eau ne dépasse pas 3 mètres 50 centimètres, c’est-à-dire aux navires de troisième ordre. Sa plus grande largeur est de 300 mètres à peu près ; sa longueur est aussi de 300 mètres. L’entrée en est fort difficile à cause du voisinage de rocs à fleur d’eau sur lesquels les navires viennent souvent échouer. Les grands bâtimens à vapeur qui font le service entre Chagres et les États-Unis ou l’Angleterre sont donc obligés de mouiller sur la rade de Chagres à un mille au large. La boule qui règne à la baie de Limon se fait également sentir devant Chagres, et la mer est parfois si mauvaise, que les communications avec la terre deviennent impossibles. Dans tous les temps, le débarquement des voyageurs et leur embarquement à bord de ces navires sont des opérations fort pénibles.

Chagres est, comme on le sait, un endroit éminemment insalubre, et la chaleur y est souvent excessive : cela tient surtout à ce que la brise du nord se trouve arrêtée par le rocher presque à pic qui ferme la baie de ce côté, et sur lequel on a bâti le fort San-Lorenzo pour défendre l’entrée du port. Ce fort assez étendu, mais de construction très irrégulière, a l’inconvénient d’être attaquable du côté de la terre. Il est inutile de dire qu’il est abandonné à lui-même depuis long-temps, et qu’il faudrait dépenser de grosses sommes pour le mettre en état de défense. Ses maçonneries, construites en grès fin que l’on trouve sur la côte, sont généralement assez bien conservées ; mais les pièces d’artillerie destinées à la défense gisent sur le sol sans affûts. Il y a là un grand nombre de pièces de fonte, la plupart d’un petit calibre, qui sont complètement rongées par la rouille et tout-à-fait hors de service ; mais on y remarque dix canons de bronze d’un fort calibre, ornés de belles sculptures et parfaitement conservés : ils ont été apportés d’Espagne vers le milieu du siècle dernier. Il y a également quelques beaux mortiers de bronze. Enfin on trouve là un approvisionnement considérable de projectiles, bombes et boulets, disposés en pyramides oblongues comme dans nos arsenaux. Ce fort est commandé par un gouverneur dont l’emploi rentre assurément dans la classe des sinécures. On arrive sur la plate-forme où le fort est assis par un chemin pavé d’environ 2 mètres de largeur qui est généralement bien conservé, quoiqu’on ne songe guère à l’entretenir.

Le village indien de Chagres est situé sur la rive droite de la baie de ce nom sous le fort San-Lorenzo. Il consiste en soixante-dix ou quatre-vingts huttes, construites en bambou ou bien en écorce d’arbre, avec une toiture de feuilles de palmier. Ces huttes sont généralement tenues