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ceux du port de Chagres. Grey-Town est une localité d’une certaine importance ; les navires à vapeur anglais partant de Southampton viennent y apporter la correspondance et les voyageurs qui se rendent dans le pays de Nicaragua. Grey-Town fait partie des domaines du roi des Mosquitos, qui est protégé d’une manière toute spéciale par l’Angleterre.

Le lac de Nicaragua, qui, dans la ligne navigable en question, fait suite au fleuve San-Juan, offre partout une profondeur d’eau suffisante et au-delà pour les plus grands navires. Reste maintenant la troisième partie de la voie de communication, celle qui aboutit au Pacifique. La ligne étudiée par M. Bailey part de la ville de Nicaragua, sur la rive occidentale du lac, pour aboutir, sur le Pacifique, au port de San-Juan del Sur. La longueur du parcours est de 15 milles anglais deux tiers ou 26 kilomètres à peu près ; mais, sur cette bande étroite de terrain, M. Bailey a rencontré, à 6 kilomètres du lac, un faîte dont la hauteur est d’un peu plus de 615 pieds anglais (188 mètres) au-dessus de l’Océan Pacifique à marée, basse, et de 487 pieds (148 mètres 70) au-dessus du lac de Nicaragua, qui est ainsi lui-même 39 mètres à peu près au-dessus du Pacifique. Il y aurait donc à construire de part et d’autre un grand nombre d’écluses qui, en raison de leurs dimensions inusitées, coûteraient des sommes énormes. De plus, il faudrait percer au sommet un souterrain dont la longueur serait de 3,300 mètres à peu près. Dans ces conditions, le bief le plus élevé du canal, ou bief de partage, serait à 200 pieds (61 mètres) au-dessus de l’Océan Pacifique, ou à 22 mètres à peu près au-dessus du lac de Nicaragua : les eaux de ce lac ne pourraient donc plus servir à l’alimentation du bief de partage et de ceux qui l’avoisinent. Pour y subvenir, M. Bailey fait remarquer que le tracé du canal traverse le lit de plusieurs ravins au fond desquels coulent des ruisseaux qui ne sont jamais à sec ; il ajoute qu’on pourrait établir en divers endroits des réservoirs où l’on recueillerait l’eau de ces ruisseaux ainsi que les eaux pluviales qui tombent en grande abondance sous ces latitudes. Enfin M. Bailey pense qu’on pourrait aussi creuser des puits artésiens qui fourniraient beaucoup d’eau. Ces moyens d’alimentation, dans des contrées où l’évaporation est si rapide, ne peuvent être considérés comme satisfaisans. Ce qu’il y aurait de mieux à faire serait, comme on l’a proposé déjà, d’abaisser le bief de partage du canal au niveau du lac de Nicaragua, qui fournirait alors l’eau dont on aurait besoin. On supprimerait ainsi un certain nombre d’écluses ; mais, d’un autre côté, par suite de cet abaissement, qui serait de 22 mètres environ, l’on augmenterait la profondeur des tranchées servant de lit au canal, et il en serait de même de la longueur du souterrain à construire au, sommet. Or, dans le projet de M. Bailey, la longueur de ce souterrain dépasse déjà 3,000 mètres, et la dépense est estimée à 24 millions de fr. ;