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d’ailleurs on n’a pas d’exemple de souterrains de pareilles dimensions : dans le travail de M. Garella sur le canal qu’il propose de construire à travers l’isthme de Panama, le souterrain au sommet aurait 37 mètres de haut, sur 21 mètres à peu près de large. Comment ne pas reculer devant un pareil travail dans un pays où il faudrait tout apporter avec soi avant de rien entreprendre ? Si donc on admettait que les études de M. Bailey ont fait reconnaître la route la plus favorable à suivre pour le canal, il faudrait en conclure que la construction de ce canal entre le lac de Nicaragua et le Pacifique est, sinon impossible, du moins hérissée de difficultés capables de faire reculer les plus hardis ingénieurs.

La dépense à faire pour ce canal est estimée par M. Bailey à une somme variable de 10 à 13 millions de dollars, qui, ajoutée aux frais de canalisation du San-Juan, donne un total de 20 à 25 millions de dollars, c’est-à-dire de 106 à 133 millions de francs.

La distance de l’un à l’autre océan serait de 295 kilomètres. Le port de San-Juan del Sur, où aboutirait le canal de M. Bailey, est d’une très faible étendue ; de plus, l’accès en est difficile par les vents du nord, qui dominent de mai à novembre.

On a bien songé, pour établir la jonction des deux océans, à l’autre route, qui traverse le lac de Nicaragua jusqu’à la rivière Tipitapa, remonte cette rivière, traverse le lac de Léon en se dirigeant vers le nord-ouest, et de là va rejoindre le Pacifique au port de Realejo, à 55 kilomètres du lac de Léon ; mais cette ligne n’a pas été sérieusement étudiée : on sait seulement que le port de Realejo est excellent ; c’est l’avis unanime de tous les navigateurs qui l’ont visité. Dans ces derniers temps, beaucoup de navires avaient pris l’habitude de toucher à Realejo pour y prendre ou déposer les voyageurs qui traversaient le pays de Nicaragua en se rendant des États-Unis à San-Francisco et réciproquement. Tous ces voyageurs s’accordent à représenter cette contrée comme extrêmement fertile en ressources naturelles. On y trouve d’ailleurs des villes assez considérables, telles que Léon, Chanandaigua, Moabita, Managua, Grenade et Nicaragua. On s’accorde aussi à reconnaître, et M. Bailey l’affirme lui-même, que le climat présente, pour les gens d’origine européenne, moins d’inconvéniens que celui de l’isthme de Panama.

Les révolutions qui ont bouleversé le pays depuis l’époque des travaux de M. Bailey, et qui ont abouti au démembrement de la confédération dont Guatemala était la capitale, ont empêché pendant plusieurs années qu’on pût s’occuper sérieusement de cette voie de communication. Tout récemment, depuis l’annexion de la Californie au territoire de l’Union américaine, la question a été reprise. Des négocians américains se sont réunis pour demander la concession du canal, et,