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réactions plus ardentes et plus certaines. Le renouvellement partiel aurait vraisemblablement épargné à la chambre de 1824 la plupart des entreprises législatives qui provoquèrent le mouvement électoral de 1827. Contrainte de compter chaque année avec l’opinion publique, la majorité n’aurait pas eu la tentation de profiter des longues perspectives ouvertes devant elle pour imposer aux répugnances du pouvoir des conquêtes qui le compromirent autant qu’elle-même. Le résultat nécessaire de la septennalité était de rendre à l’avenir les termes moyens impossibles et d’ôter à l’autorité toute la force qu’on donnait aux factions. N’ayant plus à compter de long-temps avec les électeurs, la droite se trouva beaucoup plus forte que le ministère, et lorsque bientôt après, par l’avènement de Charles X au trône, le prince qui était depuis si long-temps son chef fut devenu roi, elle put disposer de toute la puissance d’un gouvernement servie par toute la passion d’un parti.

Depuis la dissolution de la chambre de 1815, cette opinion avait traversé bien des fortunes, et souvent changé d’allures et de langage ; mais elle était demeurée, et c’est son honneur dans l’histoire, invariablement fidèle à sa doctrine fondamentale, aspirant toujours à faire consacrer par les lois les diverses légitimités sociales dont le droit préexiste, à ses yeux, dans l’histoire au même titre que celui de la dynastie elle-même. Reconstituer la famille par le principe des substitutions qui immobilise le sol et par le droit d’aînesse qui perpétue la tradition, rendre aux races antiques le lustre de la fortune en réparant par une juste indemnité la plus révoltante des iniquités révolutionnaires, imprimer à la législation civile un caractère dogmatique en protégeant par des dispositions pénales les vérités religieuses, lier l’église à l’état en appelant un évêque à la tête de l’université et dans les conseils de la couronne, rendre à celle-ci ses prérogatives imprescriptibles, et, entre toutes, le droit de disposer de l’avancement dans l’armée dont, aux termes mêmes de la charte, le roi était le chef suprême ; modifier la loi du recrutement, réglementer la presse dans un sens religieux, substituer pour le clergé une dotation au vote annuel du budget, enfin opposer en toute chose la permanence à la mobilité, le droit au fait, le dogmatisme à l’indifférence, la monarchie à la révolution : tel était le vaste et dangereux programme que M. de Villèle dut accepter la charge d’accomplir dans la mesure du temps que lui laisserait la fortune. Cette œuvre était celle d’une école plus encore que d’un parti : la majorité de 1824 n’appartenait pas moins, en effet, à l’auteur de la Législation primitive que celle de 1791 à l’auteur du Contrat social. C’était au milieu de ce monde à théories anguleuses et à croyances ferventes que M. de Villèle était appelé à développer son génie fort peu inflexible et son habileté sans ferveur. Il fallait donc