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Si je m’attache à faire ressortir la dangereuse inanité de ces tentatives, ce n’est pas, qu’on en soit bien convaincu, pour le triste et trop facile plaisir d’accabler un parti sous le poids de ses fautes. Ce parti possédait une qualité qui valait à elle seule presque toutes celles qu’il n’avait pas : il était honnête et convaincu. En rappelant les écueils qui lui furent funestes, je poursuis un but plus actuel et plus sérieux. Je voudrais contribuer, par l’évocation de ces souvenirs, à fixer les limites et la portée de la réaction vers le principe d’autorité qui se déroule depuis plusieurs mois sous nos yeux. La France a vécu durant quatre ans sous la pression d’un si lourd cauchemar, qu’elle n’a rien marchandé à ceux qui prenaient charge de l’en délivrer. Afin de s’assurer un sommeil plus tranquille, elle a livré les bruyantes conquêtes pour lesquelles elle avait si long-temps combattu, constatant ainsi le vide de théories auxquelles elle semblait tenir par les plus profondes racines ; mais le discrédit qui a frappé tout à coup certaines idées n’implique aucunement un retour vers des idées contraires, et cette abdication en face d’un péril public n’a profité qu’au scepticisme. L’école aristocratique n’a point gagné le terrain qu’a perdu l’école libérale. La France s’est éloignée des doctrines de 1830 sans se rapprocher de celles de 1815, et ce n’est pas au profit des livres du comte de Maistre que ceux de Benjamin Constant ont été déchirés. Les théories de l’école historique, celles de l’état chrétien et du Christ-roi, pour parler comme en Allemagne, toutes ces conceptions plus brillantes que sérieuses, qui tendent à transformer les sciences positives en mathématiques divines, sont aussi loin de nous dans l’avenir que dans le passé.

La restauration a succombé pour avoir tenté l’implantation d’un principe d’organisme dans une époque critique de l’histoire de l’humanité. En 1825, les théoriciens de la droite ont rencontré dans les intérêts et dans les mœurs des résistances analogues à celles contre lesquelles se sont brisés, après 1848, les théoriciens socialistes. Les uns ont compromis la monarchie, comme les autres ont tué la république. Laissé à lui-même, M. de Villèle aurait préparé pour la royauté de la branche aînée une ère de prospérité pacifique à peu près semblable à celle qu’a traversée la royauté de la branche cadette, avec la pression révolutionnaire de moins et l’adhésion de l’Europe de plus ; mais, soutenu aux affaires par l’appui conditionnel d’un parti, ce ministre succombait sous une politique dont il avait consenti à se faire l’éditeur responsable en en demeurant l’adversaire.

Froissée par des projets derrière lesquels on en laissait toujours soupçonner d’autres, et promptement dégagée des influences que l’expédition d’Espagne avait fait peser sur elle, l’opinion publique accueillait les interprétations les plus malveillantes et devenait accessible à