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qu’ils étaient, avouèrent-ils leur œuvre, et ne passèrent-ils pas le reste de leur vie à la persifler.

Pour qui comprend l’enchaînement fatal des événemens et des idées, la révolution de 1830 était tout entière dans l’adresse des 221. La moralité politique de ce grand acte est donc subordonnée à l’examen d’une question dans laquelle vient se résumer, à bien dire, toute l’histoire du gouvernement de la branche aînée des Bourbons : un changement de dynastie était-il dans l’intérêt véritable des classes qui ont profité de la révolution de 1830 ? Cette révolution était-elle la voie la plus sûre pour garantir à la bourgeoisie la prépondérance politique à laquelle elle aspire ?

L’origine que la monarchie légitime attribuait à son droit et la manière dont la France de 1789 comprenait le sien semblaient établir une sorte d’incompatibilité théorique entre les hommes de la souveraineté inamissible et ceux de la souveraineté consentie ; mais la manière dont le parti royaliste assouplit son dogme fondamental depuis la chute de la légitimité, pour le concilier avec des nécessités pressantes, constate assurément qu’il n’était point impossible de fondre ces deux doctrines sous la pression du temps qui use les aspérités des idées comme celles des choses. Existait-il entre les intérêts et les personnes des oppositions plus invincibles ? On peut en douter lorsqu’on observe les résultats déjà conquis par le système du roi Louis XVIII de 1816 à 1820. Le personnel qui servait son gouvernement dans la haute administration de l’état, et dont il recrutait la chambre héréditaire, différait-il sensiblement de celui qui vint se grouper autour de la monarchie de 1830 ? N’étaient-ce pas les mêmes antécédens, les mêmes influences et presque les mêmes hommes ? Cette politique, persévéramment suivie pendant le cours de deux règnes, assurait aux familles nouvelles, non le monopole, mais la plus large part dans les positions qu’elles poursuivent avec une si fébrile ardeur. Elle aurait atteint un résultat non moins important en maintenant dans une attitude de réserve et presque d’opposition l’aristocratie royaliste. Or, imposer cette attitude à cette honorable portion de la société française était le plus grand service qu’on pût lui rendre, car c’était la contraindre à chercher dans le patronage local le moyen de conquérir ce qu’elle n’avait plus à attendre de la faveur royale. Le parti de la propriété terrienne aurait puisé, dans ce retour vers des traditions alors trop oubliées, une force morale non moins précieuse pour le pays que pour lui-même. Si les instincts n’étaient pas en effet contrariés par les situations, et si des croyances politiques artificielles n’arrêtaient, dans les diverses couches de la société, l’essor de leurs sentimens natifs, on pourrait dire sans paradoxe qu’en France il appartient spécialement à la bourgeoisie d’être royaliste, à la vieille noblesse d’être libérale. Au lieu d’appeler celle-ci au pouvoir, où elle s’est perdue, et de rejeter celle-là dans l’opposition, qui ne lui a pas été