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des partis, persuadés ; comme lui, que « quiconque se livre aux factions civiles cesse de s’appartenir aussi complètement que s’il s’abandonnait au cours des flots[1]. »

Un jour peut-être ces honorables personnages donneront à la France les annales du gouvernement auquel ils concoururent d’une manière si utile et si active ; mais, en attendant les livres qui compromettent, on a la ressource des conversations et des notes qui n’engagent point. Cette ressource précieuse n’a pas manqué à l’écrivain qui, dans son intarissable improvisation, a écrit l’histoire de la restauration au lendemain de sa chute aussi lestement que M. Scribe fait un vaudeville et M. Alexandre Dumas un roman. L’œuvre de M. Capefigue, comme chacune des innombrables compositions du Scudéry de l’histoire, révèle des qualités réelles et des défauts non moins incontestables : on y trouve une grande connaissance des faits, une judicieuse appréciation des personnes ; mais les événemens disparaissent sous les détails, et les noms propres envahissent le récit au point de lui donner la physionomie d’une longue liste de souscripteurs. On éprouve un véritable regret en songeant à ce qu’aurait pu être cette histoire, si d’aussi nombreux renseignemens avaient été coordonnés avec plus de critique et de maturité.

Cette étude vient de tenter un écrivain que les vicissitudes politiques ont rendu aux lettres, ces grandes consolatrices de l’humanité. Sur les ruines de la tribune où il parut avec tant d’éclat, M. de Lamartine a entrepris d’écrire l’histoire du gouvernement représentatif - à la première période de son établissement. Nourri dans les traditions héréditaires de la monarchie, on est assuré de rencontrer en lui ce profond respect avec lequel il convient d’aborder les grands souvenirs et les grandes infortunes. Secrétaire d’ambassade sous la royauté légitime, il a pu voir de près les hommes et les choses, sans que sa responsabilité personnelle ait été engagée dans les événemens qu’il est appelé à décrire. Ardent conservateur, puis membre avancé de l’opposition sous la monarchie de 1830, chef du gouvernement républicain en février, aujourd’hui désillusionné de tout et sans doute un peu de lui-même, M. de Lamartine a traversé tous les partis sans leur appartenir, et si l’hospitalité passagère qu’il en a reçue tour à tour lui impose certains ménagemens de bon goût, à tout prendre, il est en face d’eux plus libre de sa parole et de sa pensée qu’aucun homme politique de notre temps. C’est là un bonheur de situation qui a une fort grande importance pour l’écrivain. Malheureusement ces avantages, si réels

  1. « In republica, Atticus ita est versatus ut semper optimarum partium et esset et existimaretur ; neque tamen se civilibus fluctibus committeret, quod non magis oes in sua potestate existimabat esse qui se iis dedissent, quam qui. maritimis jactarentur. »Ccorn. Nepos, in T. Pomp. Attico, c. VI.