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M. Lablache, qui a connu dans sa jeunesse la Coltellini, nous disait un jour : « C’était la femme, la cantatrice la plus parfaite que j’aie rencontrée dans ma vie. J’ai souvent eu le plaisir de faire de la musique avec elle. Entre autres morceaux que nous aimions à chanter ensemble ; je citerai un duo de la Serve padrona de Paisiello, où je fus émerveillé de l’esprit, de la verve et du style que déployait cette excellente vecchierella, qui m’a fait comprendre ce qu’a dû être l’art de chanter nei tempi beati ! » Comédienne pleine d’esprit et de vivacité, cantatrice émue et touchante, Céleste Coltellini possédait un talent où les nuances les plus délicates se touchaient sans se confondre et formaient un ensemble exquis. Sachant éviter le cri extrême de la passion, dont on a tant abusé de nos jours, elle se tenait aussi loin de l’imprécation furieuse que de la gaieté bruyante et folle. La mesure, l’expression tempérée des sentimens aimables, le rire innocent de l’esprit entremêlé de larmes et de teneri sospiri, telles étaient les qualités qui avaient fait de Céleste Coltellini la cantatrice favorite de Paisiello et comme la muse de son génie.

Dans la chaîne d’or des compositeurs napolitains, qui commence à Alexandre Scarlatti et finit à Cimarosa, Paisiello occupe une place très importante. Né à Tarente, le 9 mai 1741, d’un père qui exerçait la profession de médecin vétérinaire, Jean Paisiello entra, à l’âge de cinq ans, dans le collège des jésuites de sa ville natale, où il reçut les élémens d’une éducation libérale. Doué d’une jolie voix que l’instinct lui faisait déjà diriger avec goût, le jeune Paisiello fut remarqué par un certain chevalier Guarducci, maître de chapelle de l’église des capucins, qui conseilla à ses parens de le conduire à Naples. Dans le mois de juin 1754, Paisiello fut admis dans le conservatoire de Saint-Onofrio de Naples, qui était alors sous la direction de Durante, le plus savant contre-pointiste qu’ait produit l’école napolitaine. Après la mort de Durante, arrivée sur la fin de 1755, Paisiello reçut successivement les conseils de Cotumacci et de Jérôme Abos, qui professaient les mêmes principes. Sorti du conservatoire de Saint-Onofrio en 1763, Paisiello, qui avait à peine vingt-deux ans, s’élança aussitôt dans la carrière, semant sur tous les théâtres de l’Italie les fruits de son heureuse inspiration. Il se rendit d’abord à Bologne, où il composa deux opéras bouffes, la Pupilla et il Mondo alla rovescia, qui commencèrent sa réputation. À Venise, il mit en musique deux libretto de Goldoni, il Ciarlone et le Pescatrici, qui furent accueillis également avec faveur, et à son passage à Rome, en 1765, il écrivit il Marchese di Tulipano, dont l’immense succès a fait littéralement le tour de l’Europe. De retour à Naples en 1766, Paisiello y rencontra des rivaux redoutables, entre autres Guglielmi et Piccinni, qui lui disputèrent les faveurs de la cour et les applaudissemens du public napolitain, toujours mobile et changeant