Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1074

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Côtes-du-Nord devrait se coaliser pour cet agrandissement de son chef-lieu. La France a le tort de classer ses départemens et de dispenser entre eux les parts favorables du patrimoine commun beaucoup moins en raison de leur importance réelle que de celle des chefs-lieux, et le département des Côtes-du-Nord qui est le cinquième dans l’ordre des populations et le cinquante-sixième sur l’échelle des chefs-lieux, est fort intéressé à ce que Saint-Brieuc ne s’obstine pas à rester sur un degré si inférieur à celui où tout l’appelle à monter.

À la sortie du chenal du Légué, le navigateur voit l’anse d’Yfflniac s’enfoncer au sud entre des roches accores. L’anse a 5 kilomètres de profondeur et 800 hectares de superficie. Les moindres barques y seraient en perdition : les vents et les marées y poussent incessamment un mélange de débris granitiques et de coquilles moulues qui l’aurait depuis long-temps comblée sans l’action d’un ruisseau qu’elle reçoit par le fond, et qui, divaguant à mer basse sur la grève, affouille et repousse les dépôts de la haute mer. L’agriculture et la navigation gagneraient également à ce que le ruisseau d’Yffiniac fût rejeté et contenu dans un chenal latéral, qui viendrait déboucher perpendiculairement à celui du Gouet, au pied de la tour de Cesson. Cette affluence d’eau améliorerait l’accès du Légué, et la culture maraîchère de Saint-Brieuc, qui enveloppe déjà l’anse, trouverait dans les alluvions désormais stables qui lui seraient livrées le champ le plus riche dont elle puisse ambitionner la conquête.

Deux ports seulement s’ouvrent sur la côte orientale de la baie. À trois lieues de l’embouchure du Gouet, au-dessous de la pointe de Pleneuf, une coupure qui semble le résultat de l’écartement de roches granitiques d’une quarantaine de mètres d’élévation conduit à un échouage intérieur sur lequel les marées de pleine et de nouvelle lune jettent une couche de cinq à six mètres d’eau. C’est le port de Dahouet. Jusqu’à ces derniers temps, le chenal, obstrué de rochers, n’était praticable que pour les pêcheurs du voisinage ; aujourd’hui dégagé, il reçoit des bâtimens du commerce et donne passage à des navires armés pour la pêche de la morue. Dahouet est le port des cantons de Lamballe et de Pleneuf. Les grains de ce territoire sont des meilleurs de la Bretagne ; ils pèsent dans les années ordinaires quatre-vingt kilogrammes par hectolitre et sont par conséquent très propres à la fabrication des farines d’armement. L’importance du commerce de grains de la baie de Saint-Brieuc avec l’Angleterre et la Hollande était signalée, à la fin du XVIIe siècle, dans les comptes-rendus de l’intendance de Bretagne à Louis XIV. Le pays gagnerait beaucoup à ce que ces exportations eussent lieu sous la forme de farines ; mais l’extrême imperfection des moulins ne permet pas encore qu’il en soit ainsi, on n’y sait pas même employer la moitié des forces motrices disponibles. Néanmoins une