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ni de rassembler les documens nécessaires. Présentée le 15 germinal au tribunat, la loi était adoptée le 18 par le corps législatif, et elle ne put échapper aux imperfections qui déparent toujours les lois qu’une longue étude n’a pas mûries et qu’une discussion sérieuse et approfondie n’a pas élucidées. Elle n’en fut pas moins saluée avec reconnaissance par les protestans. Cet hommage lui était dû, car, quels qu’en fussent les défauts, elle avait le mérite incomparable de consacrer l’avènement du culte de la minorité au droit commun et le triomphe définitif et régulier des principes de la révolution.

Il y a deux traits généraux qui appartiennent au culte protestant et qui le différencient du culte catholique. En premier lieu, les laïques et les ecclésiastiques concourent en commun, non-seulement à l’administration des choses temporelles, comme dans la paroisse catholique, mais encore au gouvernement spirituel de l’église ; seules, l’administration des sacremens et la bénédiction des mariages sont exclusivement confiées aux pasteurs. En second lieu, l’église particulière, la communauté des fidèles, ce que nous appelons la paroisse, est la base et l’élément primordial de toute l’organisation ; c’est de l’église particulière que découlent les pouvoirs qui servent à régir l’ensemble des fidèles.

Le premier de ces caractères n’était pas méconnu par la loi. Les consistoires qu’elle créait étaient à la fois composés de pasteurs et d’anciens ou laïques, et leurs attributions comprenaient non-seulement l’administration des biens de l’église et celle des deniers provenant des aumônes, mais encore le maintien de la discipline, la nomination et la révocation des pasteurs, sauf la confirmation du gouvernement. Cependant ces consistoires ne répondaient pas à l’autre principe, d’après lequel chaque réunion, chaque communauté de fidèles, chaque église particulière en un mot doit posséder un conseil propre, préposé à ses intérêts temporels et spirituels. En effet, la loi organique ne s’occupait point de ce degré fondamental de l’organisation des églises protestantes. Le premier anneau de la chaîne manquait. Les nouvelles églises consistoriales devaient contenir l’agglomération de 6,000 âmes de la même communion, ne pouvaient s’étendre d’un département dans un autre, et représentaient seules légalement les intérêts locaux des protestans ; elles pouvaient être comparées avec assez de vérité à la réunion d’églises particulières qui, dans l’ancienne discipline des églises réformées, s’appelait un colloque. Les églises particulières étaient ainsi absorbées, et leur individualité propre se fondait dans cette unité collective. Il en résulta bientôt des froissemens, des conflits, un effort vers l’indépendance, une tendance au congrégationisme, et avec le temps la force des choses, comme il arrive d’ordinaire, l’emporta sur le texte même de la loi ; les églises particulières se formèrent d’elles-mêmes sous le nom de consistoire sectionnaire ou conseil d’église