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En sortant de l’audience que nous avait donnée le frère du châh, nous nous rendîmes auprès du prince Malek-Khassem-Mirza, qui habitait un palais contigu à celui de son neveu. Contrairement à ce qui avait eu lieu chez le beglier-bey de l’Azerbaïdjân, la conversation fut fort animée et fort intéressante chez son oncle, qui y prit une part active. Il paraissait flatté de voir l’effet qu’il produisait sur nous et l’étonnement où nous étions de l’entendre s’exprimer avec une certaine facilité dans notre langue. Malek-Khassem-Mirza était un très bel homme, jeune encore ; ses traits étaient nobles et fortement caractérisés. Selon la mode qui a été adoptée depuis par le souverain actuel, il portait sa barbe courte ; mais, par compensation, ses moustaches étaient excessivement longues. Son costume était un mélange d’habits persans et de modes européennes ; par-dessus une petite redingote à un seul rang de boutons, serrée simplement par une ceinture de soie amaranthe, il portait une pelisse en cachemire, fourrée de martre, il avait un pantalon européen et à ses pieds des chaussettes de laine fine à dessins de cachemire sur un fond blanc ; un bonnet de peau d’agneau noir couronnait cet accoutrement bâtard. Ce châhzâdèh effaça, par son amabilité et son esprit, la mauvaise impression que son neveu avait produite sur nous ; nous prîmes congé de lui, enchantés de son accueil et ravis de penser que tous les princes persans ne ressemblaient pas à Karamân-Mirza.

Quelques jours plus tard, désireux de nous faire les honneurs de son pays et de nous montrer les environs de Tabris, le prince Malek-Khassem-Mirza envoya à l’ambassadeur un de ses officiers chargé de nous inviter tous à une partie de chasse au faucon et aux lévriers. Les Persans ne connaissent point l’usage du chien d’arrêt ni du tir au vol. Ils sont cependant grands chasseurs, mais avec le secours des oiseaux de proie, qu’ils exercent très habilement, et dont ils possèdent d’excellentes espèces. Ils ont d’ailleurs une grande estime pour les faucons courageux et les fauconniers adroits.

La partie de plaisir à laquelle nous conviait le châhzâdèh était toute nouvelle pour nous : aussi fut-elle acceptée avec empressement. On se rendit dans les montagnes voisines de la ville, où l’on ne tarda pas à trouver du gibier. Le fauconnier, sur son poing recouvert d’un gant long, portait l’oiseau, retenu par un petit cordon attaché aux pattes et chaperonné. Le chaperon couvrait les yeux du faucon et ne lui permettait aucune distraction qui l’empêchât d’apercevoir à temps la proie qu’on lui destinait : c’était une espèce de petite calotte en drap rouge, quelquefois ornée de broderies, de pierreries et de grelots d’or. Dès qu’une proie était visible, le fauconnier découvrait la tête de l’oiseau, le tournait de manière à ce qu’il vît le gibier, et lançait avec le bras le faucon, qui partait comme un trait, suivait une ligne droite, s’élevait au-dessus de l’animal indiqué et s’abattait sur lui perpendiculairement