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une grande pureté de dessin, une exquise élégance et un grand luxe de décoration. Comparés aux monumens de l’Assyrie, de l’Égypte ou même de l’Asie Mineure, ceux de Persépolis paraissent plus élégans, de proportions plus sveltes, d’un travail plus délicat dans les détails et surtout plus recherché dans l’ornementation.

Si les palais, les temples ou les sculptures bravent les siècles par la solidité de la matière qu’ils ennoblissent, il n’en saurait, malheureusement être de même des autres produits de l’industrie, humaine. Aussi tous les souvenirs, de la civilisation perse du temps des Achéménides se bornent-ils à ces précieux restes de palais que remplirent de leur faste asiatique et de leur pompe royale les Xercès et les Darius, et grâce à cet usage élégant d’orner les murs de sculptures, on peut encore après deux mille deux cents ans, se faire une idée de certains arts pratiqués par les Perses de l’antiquité. En effet, cette adresse dans les arts manuels qu’attestent d’ailleurs les superbes bas-reliefs des palais achéménides, est prouvée encore par les chars, les armes, les meubles et les riches étoffes qu’ils représentent, et l’on y retrouve invariablement ce goût d’élégance, cette finesse de travail qui furent de tout temps l’un des traits caractéristiques de la nation persane.

Dès que cette nation eut pris son essor et que la guerre lui eut appris ce qu’elle pouvait être, elle se fit remarquer, on le voit, en adaptant à ses mœurs, jusque-là pastorales, la civilisation et les arts des peuples qui l’avaient précédée. Aux habits de peau succédèrent les vêtemens de lin et de pourpre ; on renversa les cabanes de roseaux ou les tentes, on éleva à leur place des maisons de pierres, au milieu desquelles on construisit pour les rois les demeures les plus somptueuses de l’Asie. La Perse, malheureusement, s’effémina sous l’influence de cette civilisation élégante et raffinée ; elle ne sut plus vaincre. Persépolis fut brûlée par Alexandre, et la Perse fut asservie. De son vaste empire, il ne resta plus que quelques satrapies échues à un général macédonien. Opprimée, mais préoccupée de l’idée de son affranchissement, elle n’eut plus ces loisirs à la faveur desquels une nation donne l’impulsion à son génie créateur. Passant d’un maître à l’autre, obligée de se défendre en cherchant à reprendre sur les Romains les limites de son ancien territoire, elle ne put, sous ses princes sassanides, consacrer aux arts que d’insuffisans efforts. De pauvres édifices, qui n’avaient rien de la grandeur ni de l’élégance des admirables monumens achéménides, s’élevèrent à Firouzabad, à Sarbistân ou à Châpour. Comme le prouvent quelques sculptures généralement barbares trouvées à Châpour, à Nach-i-Roustâm, comme à Tâgh-i-Bostân ou à Darabgherd, ces constructions informes étaient l’expression de la vanité des princes qui régnaient alors sur la Perse plutôt que le produit d’un art qui n’y était plus cultivé et d’une science qui n’existait plus.