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La vie antique avait fait place à une vie nouvelle ; les divinités du paganisme étaient renversées ; mais, refoulée au fond de l’Asie, l’idolâtrie y étendait encore ses superstitions. Le feu sacré n’avait point cessé de brûler sur les autels de la Perse. Mahomet cependant voyait grossir de plus en plus l’année de ses disciples. Employant le glaive pour réussir là où le martyre et la foi des chrétiens persécutés n’avaient pu faire que quelques rares et timides adeptes, les Arabes envahirent la Perse. Leur invasion fut à la fois le dernier coup porté aux mœurs, au goût, aux idées que les Perses tenaient de leurs ancêtres, et l’introduction parmi eux d’un art nouveau, d’une civilisation toute différente, auxquels la religion qu’ils recevaient devait nécessairement donner un caractère et une forme qui ne rappelaient aucunement les palais de Persépolis ou les rochers sculptés des Sassanides. La Perse ancienne était connue par ses palais, par ses temples, par ses sculptures ; son époque mahométane, le règne des Sophis, nous la montre atteignant aux extrêmes limites de la fantaisie et de la variété dans les arts, de l’élégance et de la richesse dans l’industrie1. Mosquées, palais, bazars, caravansérails, ponts, armes, peintures, étoffes de toute sorte, bijoux, orfèvrerie, émaux, tout prend un développement extraordinaire, revêt les formes les plus séduisantes et se plie gracieusement à tous les caprices d’ouvriers aussi habiles qu’ingénieux. À côté des arts de toute espèce florissaient également les lettres. La poésie, si chère aux Persans, inspirait alors à Saadi, à Hafiz, leurs vers les plus renommés ; Ferdoucy écrivait son immortel Châh-Nâmèh ; ou Livre des Rois. La philosophie et la médecine eurent aussi leurs interprètes fameux, et la célébrité de Nassldr-ed-Din, d’Abn-ibn-Pina ou Avicenne, répandue dans toute l’Asie, pénétra jusqu’en Europe. L’islamisme ouvrit donc à la Perse une ère vraiment nouvelle. C’est du moment où le dogme de Mahomet triomphe en Perse que le génie national grandit, s’élève, prend mille formes, se façonne à tous les arts et règne sur l’Asie entière. Cette phase dans l’histoire de l’art persan est sans contredit la plus éclatante. Quelques mots suffiront pour en préciser le caractère et rappeler quels monumens en consacrent la splendeur.

Entre les restes des palais achéménides à Persépolis et les magnifiques mosquées des Sophis à Ispahan, il n’y a place en Perse pour aucun monument, car on ne peut tenir compte des vestiges sassanides, d’ailleurs très rares et empreints d’une mesquinerie ou d’une grossièreté qui n’attestent que trop clairement la décadence ou plutôt l’absence de l’art. Il n’y a donc, à vrai dire, point de transition entre la pompe dont les colonnades de Persépolis conservent le souvenir et la somptuosité toute différente, toute récente, qui rehausse avec tant d’éclat les monumens du siècle de Châh-Abbas. On reste confondu en examinant ces œuvres de deux âges que sépare une période de plus