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de convertir toute la rente au taux uniforme de 3 pour 100. Le décret primitif de conversion du 5 pour 100 garantit, il est vrai, pour dix ans, l’intégrité du nouveau 4 et demi ; mais le gouvernement, en remettant aux porteurs leur titre renouvelé, leur délivrerait en même temps un coupon à part équivalent au surplus de l’intérêt qu’ils auraient touché pendant les dix années, et payable par semestre en vingt échéances. Il n’y aurait ainsi aucune différence pour le porteur, et la conversion serait dès ce moment consommée. On comprend, au surplus, que nous ne nous faisons point garans de ces bruits ; nous les citons parce qu’ils semblent être une des préoccupations du monde financier. Toutes ces mesures sont assurément hardies. Si elles avaient pour conséquence de faire refluer les capitaux vers l’agriculture, vers les travaux de l’industrie sérieuse, ce serait un grand et utile résultat ; ce serait contribuer singulièrement au développement naturel et progressif de la richesse nationale, en la fondant sur une base plus solide, sur le sol lui-même amélioré, transformé et fécondé.

Mouvement du commerce, mesures de finances, progrès agricole ou industriel, tout cela a sa place dans la vie du pays sans nul doute ; mais n’y a-t-il point autre chose encore ? N’y a-t-il point aussi un intérêt politique d’un caractère particulier, de l’ordre le plus élevé, là où intervient l’intelligence, là où s’agitent tous ces problèmes d’éducation publique qui ont traversé tant de phases depuis quelques années, et qui ont pris un tour si nouveau, si imprévu dans ces derniers temps ? La question des classiques anciens continue d’alimenter les discussions et les polémiques. Les livres et les manifestations se succèdent. Au fond, cependant, la question n’est-elle point jugée souverainement ? Elle est jugée à coup sûr au point de vue du goût, de l’esprit, du développement intellectuel, et elle l’est aussi au point de vue religieux lui-même : il n’en faudrait pour preuve que le sentiment si net et si formel que tant de membres éminens de l’épiscopat français ont eu l’occasion d’exprimer depuis trois mois. Mgr l’évêque de Chartres, malgré son grand âge, a retrouvé sa verdeur habituelle en faveur de l’antiquité classique. Récemment encore le cardinal, archevêque de Besançon se prononçait dans le même sens avec une très remarquable précision. Faut-il donc croire que tous ces prélats travaillent à leur insu à la restauration du paganisme ? Leur pensée est bien simple : à leurs yeux, la question des auteurs employés dans l’instruction publique s’efface devant la question même du maître qui enseigne ; l’intérêt supérieur qui réside dans l’éducation chrétienne de la jeunesse ne saurait être incompatible avec l’étude d’Homère et de Virgile, avec l’enseignement de ces langues immortelles, mères des nôtres, et c’est là justement ce que nous avons dit pour notre part. Au milieu des publications que ces polémiques ont fait naître, une des plus récentes et des plus distinguées est un écrit de M. l’abbé Charles Martin sur l’Usage des auteurs profanes dans l’enseignement chrétien. Le livre de M. l’abbé Martin, inspiré par l’esprit le plus éclairé et le plus sage, est la concluante réfutation de ceux de M. l’abbé Gaume ; il démontre ce qu’a de parfaitement révolutionnaire, au point de vue des traditions de l’église, le système qui tend à supprimer l’étude de l’antiquité dans l’enseignement. Chose étrange assurément, qu’on soit obligé de prouver que l’église, depuis son origine, ne travaille point à la destruction de son propre