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les conseils pacifiques qu’il a donnés, dans la préoccupation d’éviter tout ébranlement européen, ont été suivis. Depuis lors, il a échangé de nouvelles politesses avec son beau-frère Frédéric-Guillaume et avec l’empereur d’Autriche ; enfin il est venu lui-même, au mois de mai 1852, en Autriche et en Prusse, exposer à ses alliés sa manière de voir sur la situation faite à l’Europe par les évènemens de décembre et leur donner le mot d’ordre dans la perspective d’éventualités qui remettraient en question les traités de 1815. Sans nul doute, au moment des combinaisons chimériques de la Prusse en 1850, les préférences de la Russie étaient pour la politique de l’Autriche, et aujourd’hui encore le cabinet russe n’est point hostile à celui de Vienne. Cependant le tsar n’a plus : les mêmes raisons de se défier de la Prusse. Depuis la convention d’Olmütz, le cabinet de Berlin, suivant l’expression de M. de Manteuffel, a rompu avec la révolution au-dedans et au-dehors ; c’est sur son initiative que la diète de Francfort a été rétablie, et que la révolution a reçu le coup de grace en Allemagne. Le tsar a été touché de ce changement de politique ; aussi a-t-il refusé de servir plus long-temps le ressentiment de l’Autriche envers la Prusse. Cette attitude de l’empereur de Russie paraîtra plus remarquable encore, si l’on se rappelle que le comte de Nesselrode, l’un des principaux auteurs de l’intervention armée en Hongrie ; le représentait la politique allemande dans le cabinet russe, manifestait des tendances prononcées en faveur de l’Autriche. M. de Manteuffel a eu gain de cause. Le tsar a fait répondre à la diplomatie autrichienne qu’il ignorait la question du Zollverein et qu’il n’avait aucune envie de l’étudier, laissant voir d’ailleurs qu’à son avis l’Autriche pouvait commercialement se suffire à elle-même, et que ses intérêts ne lui commandaient point impérieusement de s’incorporer au Zollevein.

La Russie, on le voit, ne cesse point de jouer en Allemagne un rôle de médiatrice auquel les gouvernemens germaniques semblent eux-mêmes la convier. Il y a quelques mois seulement que l’empereur Nicolas a passé en revue les troupes de l’Autriche et celles de la Prusse, et déjà l’on renouvelle en Hongrie de grandes manœuvres auxquelles le tsar se fait officiellement représenter. Il y a long-temps que les souverains du Nord n’ont donné autant de fêtes militaires qu’en cette année pacifique et calme. On dirait en vérité qu’ils m’ont d’autre préoccupation que de compter leurs soldats. Ces démonstrations, qui se répètent si fréquemment aujourd’hui en Prusse et en Autriche, et auxquelles le tsar semble, donner l’impulsion, ne nous inquiètent point pour l’avenir. Les flics militaires de l’Allemagne, répondent aux fêtes militaires de la France. C’est la seule guerre que l’on soit de part et d’autre, disposé à se faire, nous le croyons : guerre inoffensive qui entretient dans chaque pays le sentiment de sa force, et qui ne fait verser de larmes à personne. Les grandes puissances de l’Europe ne sont plus aujourd’hui en état d’hostilité qu’avec quelques populations barbares de l’Afrique et de l’Asie. Pendant que la France échange encore de temps à autre quelques coups de fusil avec les Arabes, et que l’Angleterre reste aux prises, d’un côté avec les Cafres, de l’autre avec les Birmans, la Russie poursuit sa lutte sans trêve contre les populations de la Circassie. Les renseignemens qui pourraient jeter quelque lumière sur la situation de l’armée russe dans le Caucase sont rares