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Et près de l’eau ces beaux villages blancs
Pareils de loin aux vols de goélands,
Hôtes paisibles de ces rives ;

Les dômes bleus, les légers minarets,
Les champs des morts ombragés de cyprès,
Ces caps, ces golfes et ces îles,
Et ce vallon qui réunit deux mers
Où les vaisseaux des continens divers
Passent à l’ombre de tes villes ;

À toi Beyrouth, Ismir et Bassorah,
À toi Mossoul et la verte Angorah,
À toi Bagdad bâtie en briques,
Alep aux khans encombrés de chameaux,
Diarbékir, Damas aux belles eaux,
Et Brousse, et ses mille fabriques !

Fils du prophète, ô sublime sultan.
Dans ton palais de richesse éclatant.
Entouré de tes capitaines.
Plein des soucis d’un pays à changer,
Entendras-tu ce salut étranger
Qui te vient des rives lointaines ?


II.


Je me souviens qu’un jour, au milieu des rumeurs,
Au port de Scutari, je vis sur la jetée
Aborder ton caïk aux quatorze rameurs ;
Le canon ébranlait la ville épouvantée.
Sur ton front éclatait l’étoile en diamans,
La foule devant toi s’inclinait jusqu’à terre,
— Ton règne commençait, tu n’avais pas vingt ans !
Quand sur le quai désert je restai solitaire.
D’un si nouveau spectacle ému secrètement.
Je doutai de ta force et de ta destinée,
Et, craignant pour ton ame un tel enivrement.
Je plaignis la Turquie à la nuit condamnée.
Mais Dieu, qui t’a marqué pour un plus haut destin,
A mesuré ton cœur à ta haute fortune ;
Ton front n’est pas de ceux que le vertige atteint.