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ajouter le chiffre si vague et si contesté des tribus indépendantes qui habitent le centre de l’île, Luçon ne rassemblerait encore sur son vaste territoire qu’une population moins dense que celle de la Corse. L’île de Java est, proportionnellement à son étendue, plus peuplée que la France.

Les habitans du groupe espagnol et du groupe néerlandais ont entre eux des analogies assez nombreuses, assez essentielles surtout, pour qu’on puisse, sans s’arrêter aux traits particuliers qui les distinguent, leur assigner une commune origine. Les traditions que conservent les livres sacrés de l’Inde, les rapports qui unissent les divers dialectes de l’archipel, la disposition géographique des grandes îles échelonnées, pour ainsi dire sans interruption, des côtes de l’Indoustan jusqu’aux rivages de la Chine, la couleur cuivrée qui distingue ces insulaires des autres familles de l’espèce humaine, tout en un mot justifie une pareille hypothèse, et rien ne la repousse. Les premiers habitans de l’Archipel indien ont dû être ces hideuses peuplades au teint d’ébène et aux cheveux laineux qui occupent encore sans partage les îles de la Papouasie. La lente succession des siècles, en ces temps reculés dont la tradition même a perdu la mémoire, avait dispersé la famille indo-chinoise sur les bords du continent asiatique. Des convulsions intérieures ont obligé ces tribus sémitiques à franchir la mer de Formose et le détroit de Malacca. Les peuplades noires ont reculé devant ce double torrent. Dans l’île de Java, les premiers possesseurs du sol ont complètement disparu ; l’inondation sur ce point fut assez puissante pour les submerger. Dans File de Luçon au contraire, dans celle de Mindanao, dans le groupe intermédiaire auquel les Espagnols ont imposé le nom d’îles Bisayas, l’invasion n’arriva qu’affaiblie par la distance trop considérable du continent asiatique : aussi retrouve-t-on dans cette partie de l’archipel les débris des tribus primitives errant encore au milieu des forêts qui leur servirent à cette époque de refuge. À Java comme à Luçon, les migrations conquérantes comptaient probablement plus de guerriers que de femmes : il fallut que les fils de Sem mêlassent leur sang à celui des fils de Cham ; de ce mélange est sortie la race malaise, au teint cuivré, à la face mongole. Des invasions postérieures ont pu modifier les caractères physiques et les instincts des peuples qui habitent les divers groupes de l’archipel d’Asie. Sur ce point l’élément noir a pu prédominer, sur cet autre l’élément indo-chinois ; mais je ne saurais croire que le nom de Tagals à Manille, d’Illanos à Mindanao, de Javanais dans les provinces orientales de Java, de Soudanais dans la partie occidentale de la même île, de Bouguis et de Macassars dans la mer de Célèbes, suffise à révéler l’existence de races distinctes. Du détroit de la Sonde aux rivages de Formose, je n’ai trouvé que les empreintes plus ou moins altérées d’un