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rapport, a presque autant d’importance que l’île de Mindanao tout entière. L’Espagne compte à peine, dans l’île de Mindanao, 90,000 sujets. La force des choses doit faire tomber un jour sous le joug espagnol la totalité de ce vaste territoire ; mais jusqu’à présent presque toute la partie méridionale de Mindanao reconnaît encore le pouvoir du sultan des Illanos. Cette population insoumise est musulmane. Elle a résisté aux efforts des missionnaires par ses vices bien plus que par ses croyances. Pendant long-temps, les Illanos ont partagé avec les habitans de Soulou le privilège de répandre la terreur sur toutes les côtes de l’Archipel indien. Ces audacieux pirates étendaient leurs ravages jusque dans la mer des Moluques. Découragés par la puissance croissante et par les récens triomphes de l’Espagne, les Illanos préludent par une déférence respectueuse à une soumission complète.

On compte 1,200,000 catholiques dans le groupe des Bisayas : cette population considérable était trop éloignée des regards du gouvernement de Manille. Soumise pendant long-temps aux exactions des alcades, elle végétait dans la misère et l’inertie sans profit pour la métropole. C’est surtout dans les Bisayas que les progrès réalisés depuis quelques années par une sage administration commencent à porter leurs fruits. L’île de Panay, qui comprend 3 provinces, 75 villages et 550,000 âmes, est déjà digne de rivaliser avec Luçon pour la beauté de ses tissus et la richesse de ses produits agricoles. L’île de Zebù, avec ses 44 villages et ses 350,000 habitans, ne prendrait rang qu’après Panay, si elle n’était le siège d’un évêché : Zebù doit ce privilège au hasard. C’est à Zebù que vinrent aborder Magellan et Legaspi, et c’est de cette île que la conquête se propagea peu à peu jusqu’à Luçon. Sur ces deux points de l’archipel, ce n’est pas un lointain avenir, mais un avenir prochain, presque immédiat, qui récompensera les efforts du gouvernement espagnol. Le progrès devra gagner ensuite, mais bien plus lentement, si l’on songe à leur population tout-à-fait insuffisante, les îles de Leite et de Samar, qui comptent chacune environ 100,000 âmes ; Negros, où domine la race noire ; Mindoro, dont le duc de Choiseul avait voulu obtenir la cession pour la France ; Masbate, Ticao, Marinduque et Burias.

Bien que les péripéties de notre longue campagne nous aient conduits deux fois sur les côtes de Mindanao, et nous aient fait souvent longer les rivages des autres groupes, c’est sur l’île de Luçon, centre de la domination espagnole dans l’extrême Orient, que notre attention s’est portée de préférence. Trois fois dans le cours de notre campagne, nous avons conduit la Bayonnaise sous les murs de Manille. Nous avons passé des mois entiers dans la baie au fond de laquelle vint aborder en 1571 don Miguel Lopez de Legaspi. Les Moluques, placées sur la route que nous avions suivie pour venir en Chine, n’avaient été pour nous