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Il affectait même de montrer les plus grands égards et la plus humble déférence pour l’évêque ; mais sous main il travaillait à combattre son influence, à contrecarrer ses desseins, à faire rejeter ses plans par les décurions ou à en annuler l’effet.

Maxime, qui unissait une grande prudence et même une grande finesse à ses hautes vertus, connaissait fort bien les menées de Macer, et, tout en feignant de les ignorer, il savait les prévenir. Son œil vigilant déjouait les intrigues qui eussent pu nuire aux intérêts de l’église ou aux progrès de la foi. Macer sentait toujours au-dessus de lui avec colère ce surveillant incommode ; mais jamais il ne l’avait plus maudit qu’en ce moment, où il était surpris pour ainsi dire en flagrant délit de cruauté et de persécution.

Il fallut bien apprendre à Maxime ce dont il s’agissait. — Eh quoi ! mon frère, s’écria l’évêque, vous êtes chrétien, et vous voulez livrer à des traitemens pareils une chrétienne, parce qu’elle a eu soif de la parole de Dieu ! Vivons-nous donc sous les fils du saint empereur Théodose, ou sommes-nous retournés au temps des Néron et des Décius ?

— Ma foi n’est pas suspecte, reprit Macer : je célèbre la paque chaque année, j’ai fourni dix sesterces pour réparer l’église de Trêves, bâtie par l’illustre Hélène, mère du divin Constantin ; mais la police des esclaves appartient au père de famille.

Maxime sentit que sur ce terrain Macer, protégé par la loi, était inattaquable, et, commandant à son indignation, il s’efforça de changer la résolution du duumvir en s’adressant à ses intérêts. Avec ce tact politique qui distinguait à un degré si éminent les hauts fonctionnaires de l’église dans ce grand siècle de l’épiscopat chrétien, Maxime, tout en paraissant ne s’adresser qu’à la charité de Macer, lui fit habilement sentir quel mauvais effet produirait parmi les fidèles un pareil bruit, que malheureusement il ne pourrait démentir et serait même obligé de confirmer, si on l’interrogeait. Les envieux de Macer pourraient signaler un crime de lèse-majesté dans cette persécution contre la religion impériale. Maxime fit quelques allusions adroites à des torts que Macer avait eus envers lui, pour lui montrer que, s’il ne s’en plaignait point, ce n’était pas qu’il les ignorât. Après l’avoir inquiété de la sorte et disposé par la peur à la clémence, le saint évêque retrouva toute son onction d’apôtre pour le supplier au nom de Jésus-Christ de ne pas refuser au plus humble de ses serviteurs la grâce d’une pauvre fille esclave rachetée aussi bien qu’eux par le sang divin. Cette fin du discours de Maxime permettait au duumvir de fléchir sans paraître céder, et de faire, comme vaincu par la miséricorde, ce que lui suggérait la prudence.

Macer comprit sa situation à merveille : il vit qu’il serait impolitique et dangereux de blesser mortellement l’évêque par un refus dont