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celui-ci pouvait le faire repentir. Il prit rapidement son parti, et, pour éviter l’humiliation de paraître subjugué par l’ascendant de son rival, il lui dit en souriant : — Père vénérable, nous ne nous repentons point d’avoir protesté pour notre droit de juridiction sur notre famille, selon la coutume des aïeux, puisque nous y avons gagné d’entendre la parole toujours éloquente de votre sainteté… — Qui ne s’est pas montrée inférieure à Cicéron plaidant pour le roi Déjotarus, interrompit avec son à-propos ordinaire l’empressé Capito. — Mais nous avions déjà résolu, poursuivit Macer, à la requête de notre frère illustre et de notre fils bien-aimé, de faire grâce à cette esclave, et, quant à celui qui a déplu à votre paternité comme à nous-même en paraissant en sa présence et en la nôtre, quand il n’était point demandé pour un office qui ne lui avait point été imposé, qu’il soit attaché à la meule et marqué au front avec le fer qu’il a fait rougir, pour que ses préparatifs ne soient pas perdus !

Ainsi parla Macer, qui avait besoin de se soulager, en faisant souffrir quelqu’un de la souffrance intérieure qu’il ressentait à plier sous la volonté de l’évêque, et qu’il était contraint de cacher sous un air de bienveillance et de politesse. Maxime n’avait point été dupe de la condescendance forcée de Macer, mais il parut le croire aveuglément. Il avait obtenu ce qu’il désirait, il se retira après avoir béni Hilda et quelques autres esclaves chrétiens par des regards jetés sur eux, tout en conversant de l’air le plus libre avec Macer. Il était bien aise aussi que l’héritier futur de ces immenses possessions s’annonçât dès son arrivée par un mouvement d’humanité. La beauté d’Hilda, la connaissance profonde qu’avait Maxime des faiblesses cachées du cœur, un regard de bonheur et de tendresse qu’il avait vu Lucius jeter sur la captive au moment où sa grâce était proclamée, avaient bien donné au pasteur expérimenté des âmes quelques soupçons sur les motifs qui avaient pu aider chez le jeune Secundinus l’impulsion de la charité ; mais Maxime était loin de réprouver un sentiment bon en lui-même et inspiré du ciel, parce que la terre y mêlait quelques ombres. Bien loin de là, il songeait, en se retirant, au bien que Dieu pourrait produire par la main de l’humble esclave, choisie peut-être pour ranimer la foi de Lucius par le spectacle des plus admirables vertus chrétiennes.


III.


Maxime, en regagnant la ville, s’entretenait tout bas avec lui-même de la scène dont il venait d’être témoin et dans laquelle nous l’avons vu jouer un rôle habilement charitable. Il méditait avec tristesse sur la sévérité cruelle de ces hommes qui n’avaient conservé des anciennes mœurs romaines que leur dureté impitoyable ; il bénissait Dieu de ce