Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore baissé, 2,683. A l’exception des Irlandais, qui d’ailleurs, selon M. Johnston, ne sont pas tous de pur sang celtique, les émigrans, on le voit, sont tous de race germanique : peu de sang celtique, peu de sang latin, peu ou point de sang slave. Ainsi les Américains se recrutent parmi toutes les nations alliées et sœurs; les diverses branches de la grande race barbare qui a renouvelé le monde, — Germains, Saxons, Scandinaves, depuis si long-temps désunis ou ennemis sur le sol de notre Europe, assouplis par la discipline et par la tradition, ou isolés du continent, comme les Anglais, — se rencontrent sur ce terrain commun pour s’unir de nouveau, et, qui sait? pour partir de là peut-être et renouveler le monde encore une fois.

Partout les instincts particuliers de chacune de ces races s’effacent pour laisser prédominer leurs instincts communs. Une fois débarqués et relégués dans le far west, les émigrans essaient bien de conserver encore leurs mœurs et leurs habitudes, ils résistent avant de se laisser absorber par l’esprit général du pays, et s’efforcent de rester Irlandais, Allemands ou Norvégiens en Amérique; ainsi les Allemands cherchent à s’assembler et à former comme un peuple particulier dans la Pensylvanie et l’Ohio, les Hollandais sur les rives de l’Hudson. Vains efforts! il leur faut devenir Américains. Les Anglo-Saxons les plient à leur joug et leur impriment le cachet américain. Ils arrivent avec un grand fonds d’ignorance et n’ont d’autre connaissance des institutions républicaines que le sentiment que leur en donne une grande bonne volonté démocratique; il leur faut donc des guides et des instituteurs, d’autant plus que, pendant les longues années nécessaires pour s’établir, pour se procurer une honnête aisance et mettre leurs fermes en bon état, ils ont, remarque M. Johnston, peu de loisir et par conséquent peu d’inclination à se mêler des affaires politiques du pays. Ainsi, pour le dire en passant, les États-Unis évitent providentiellement ce fléau qui mine la liberté dans les contrées européennes, la participation des pauvres et des ignorans aux affaires publiques. Les émigrans ne se mêlent donc aux affaires politiques du pays que lorsqu’ils ont acquis une certaine aisance qu’ils se donnent eux-mêmes et une certaine instruction qui leur est donnée par l’exemple des habitans du pays. Les Américains s’emparent d’eux et les rompent à leurs habitudes. Pauvres et illettrés, les émigrans n’ont parmi eux que peu ou point d’hommes appartenant à des professions libérales : les états du nord se chargent de leur en fournir; ils envoient dans l’ouest leurs hommes de loi, leurs médecins, leurs ministres des différens cultes, leurs journalistes, leurs banquiers, leurs marchands. L’ouest est un débouché pour leurs produits moraux et leurs professions libérales d’abord, et ensuite c’est un atelier pour l’assainissement des marais démagogiques et la purification des eaux boueuses qui leur arrivent d’Europe. Comme l’émigration est continuelle et que le nombre des nouveaux citoyens s’accroît toujours,