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1642, il avait quarante-sept ans, et il lui apportait pour belle-fille une personne presque de son âge, d’un caractère tout différent du sien, assez belle, spirituelle, mais dépourvue de toute sensibilité, qui devint bientôt le censeur de sa belle-mère et son ennemie dans le sein de la famille, et jusqu’auprès de la postérité dans les mémoires aigrement judicieux qu’elle a laissés sur la Fronde.

Le duc de Longueville était un vrai grand seigneur. Il était galant et brave, libéral jusqu’à la magnificence, d’un caractère noble et généreux, mais faible, s’engageant aisément, se dégageant volontiers, au fond sans passion et sans ambition, et possédant tout ce qu’il faut pour briller au second rang, mais incapable du premier. Il commença par faire un peu d’opposition à Richelieu, puis il se soumit assez vite; plus tard, on le mit dans la Fronde; il partagea la captivité de ses deux beaux-frères, et, à peine hors de prison, il se raccommoda avec la cour. Naturellement sensé et modéré, il était fait pour suivre la route que ses pères lui avaient tracée, et pour servir la couronne dans de grandes charges militaires et civiles, qu’il eût fort dignement remplies. Le malheur de sa vie a été d’être presque toujours jeté par d’autres hors des voies régulières qui lui convenaient, dans des entreprises et des aventures au-dessus de sa portée, et où ses qualités parurent moins que ses défauts.

Ajoutons que M. de Longueville, de mœurs assez légères, avait eu, dans sa première jeunesse, de Jacqueline d’Illiers, devenue abbesse de Saint-Avit, près Châteaudun, une fille naturelle, Catherine-Angélique d’Orléans, qui fut successivement religieuse en différentes maisons, et mourut abbesse de Maubuisson, à l’âge de quarante-sept ans, en 1664. Déjà sur le retour, il s’était épris de la duchesse de Montbazon, qui avait fort bien accueilli cette conquête utile, et la retint, dit-on, même après le second mariage de M. de Longueville, malgré tout le mécontentement de Mme la Princesse et les reproches, souvent très vifs, qu’elle adressait à son gendre.

Il faut en convenir, il n’y avait pas là de quoi captiver le cœur et l’imagination d’une jeune femme, telle que nous avons dépeint Mlle de Bourbon. Avec ses instincts de fierté et d’héroïsme, ses délicatesses d’esprit et de cœur, ses principes et ses habitudes de précieuse, elle ne pouvait admirer M. de Longueville, et, comme elle était faite, l’admiration était pour elle le chemin de l’amour. Elle devait être blessée qu’avec ce qu’elle était à tous égards, on lui pût donner une rivale; et ce qui pouvait la blesser davantage, c’est que cette rivale, si peu digne de lui être comparée par son caractère, était la plus grande beauté du jour, en sorte que l’infidélité au moins apparente de M. de Longueville ressemblait à une préférence offensante pour ses charmes; et, nous l’avons dit, Mlle de Bourbon n’était pas seulement tendre.