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peut-être en d’autres temps, mais qui étaient devenues dangereuses. Il l’emporta, et la ruine des importans fut décidée. Le 2 septembre, on arrêta le duc de Beaufort au Louvre même, et on le conduisit à Vincennes. On ôta le commandement des Suisses à La Châtre, ami de Beaufort. L’évêque de Beauvais, qui avait eu la confiance de la reine et s’était mis en tête de succéder à Richelieu, fut renvoyé à son église; le duc de Vendôme, ainsi que le duc de Mercœur, exilés, et Mme de Chevreuse reléguée à Tours. Ces mesures, exécutées à propos, dissipèrent le parti des importans. Les discordes intestines qui menaçaient le nouveau règne durent attendre des jours plus favorables. Mazarin, bientôt sans rival auprès de la reine, continua au dedans, et surtout au dehors, la politique de son prédécesseur, et la royauté, ainsi que la France, comptèrent une suite de belles années, grâce à l’union des princes du sang avec la couronne, aux ménagemens habiles du premier ministre, à la prudence du prince de Condé et au génie militaire du duc d’Enghien.

Celui-ci était revenu à Paris à la fin de la campagne, après avoir pris Thionville et plusieurs autres places, et promené sur le Rhin l’armée française victorieuse. La reine l’avait reçu comme le libérateur de la France. Mazarin, qui tenait plus à la réalité qu’à l’apparence du pouvoir, lui fit dire que toute son ambition était d’être son chapelain, et son homme d’affaires auprès de la reine. De loin, le duc d’Enghien avait applaudi à tout ce qu’on avait fait, et il revenait brûlant encore pour Mlle du Vigean, et furieux qu’on eût osé insulter sa sœur. Il adorait sa sœur, et il aimait Coligny. Il connaissait et il avait favorisé sa passion. Engagé lui-même dans un amour aussi ardent que chaste, il savait que sa sœur pouvait bien n’avoir pas été insensible aux empressemens de Maurice; mais il se révoltait à la pensée qu’on lui attribuât les lettres d’une Mme de Fouquerolles, et il le prit sur un ton qui arrêta les plus insolens.

Parmi les amis du duc de Beaufort et de Mme de Montbazon était au premier rang le duc de Guise, devenu le chef de la maison de Lorraine en France. On l’avait ménagé ainsi que toute sa, famille à cause de Monsieur, Gaston, duc d’Orléans, qui avait épousé en secondes noces une princesse de cette maison. Le duc de Guise était tel que nous l’avons dépeint. Il avait déjà fait plus d’une folie, mais il n’avait pas encore honteusement échoué dans toutes ses entreprises; son incapacité n’était pas déclarée; il avait tout le prestige de son nom, de la jeunesse, de la beauté et d’une bravoure portée jusqu’à la témérité. Serviteur avoué de Mme de Montbazon, il avait épousé sa querelle, sans être entré néanmoins dans les violences de Beaufort, et il était resté debout en face des Condé victorieux.

Coligny avait eu la sagesse de se tenir à l’écart pendant l’orage, de