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qu’on vous offre, ne ferez-vous pas connoître à tout le monde que ma princesse a autant de fidélité que de beauté, et que sa parole est inébranlable quand elle l’a donnée? S’il vous reste encore quelque souvenir du malheureux Agésilan et des tendresses que vous aviez pour luy, donnez-luy un mois avant que d’accomplir ce mariage. Le terme est court pour une si grande disgrâce qui me coûtera la vie! Agésilan, dit Isménie, Dieu sçait, si mes sentiments estoient suivis, si je serois jamais à d’autres qu’à vous! J’ay fait pour cela plus que le devoir ne m’obligeoit : j’ay résisté long-temps aux ordres d’Anténor et de Simiane. J’ay passé des jours et des nuits en pleurs de la perte que je faisois de mon cher Agésilan. Tout ce que je puis faire pour luy est de luy conserver toujours mon estime et mon amitié. Elle l’embrassa pour la dernière fois, et se retira dans le château sans attendre sa réponse. »

Agésilan désespéré va rejoindre l’armée commandée par le frère d’Isménie, Marcomir, le duc d’Enghien, et nous assistons à un récit de la bataille de Rocroy en général assez exacte à deux défauts près. L’auteur n’a pas l’air d’avoir connu la manœuvre hardie et savante qui décida la victoire, et que nous avons essayé de décrire. On se doute bien aussi qu’il donne à Coligny dans cette grande journée un rôle qu’il n’a pas eu. Dans la nouvelle, Agésilan prend la place de Gassion et commande l’aile droite, tandis que Gassion y commande la gauche et remplace Laferté-Seneterre et le maréchal de l’Hôpital; car c’est bien, je crois, Gassion qu’il faut reconnaître sous le nom d’Hilla ou Hillarius, «vieux maestro de camp, à présent[1] maréchal de camp, soldat de fortune, mais qui avoit passé par toutes les charges, ayant beaucoup de cœur et de fermeté. » Marcomir avait confié l’aile droite à Agésilan « comme étant assuré de sa fidélité et de son grand cœur. » Agésilan cherche la mort, et, selon les règles du roman, il ne trouve que la gloire, il est vrai, avec beaucoup de blessures qui expliqueront plus tard sa langueur et sa faiblesse. Entre autres exploits, il a une rencontre particulière avec Alaric, roi des Goths. Marcomir, de son côté, fait des actions extraordinaires et tue de sa main le chef de l’armée ennemie. Comme Agésilan-Coligny est mis ici à la place de Gassion, ainsi d’Estrades, ami de Coligny, est substitué, sous le nom de Théodate, au brave Sirot, qui commanda la réserve et contribua tant au succès de la bataille.

La nouvelle peint fidèlement la conduite d’Enghien-Marcomir après la victoire. « Après avoir rendu grâce à Dieu d’une si grande victoire, Marcomir retourna dans son camp. Il fut légèrement blessé, eut deux

  1. A présent montre que la nouvelle a été composée avant la ort de Gassion, tué à Lens en 1648.