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est infiniment probable ; légalement, le prévenu est innocent, il peut l’être réellement et être déclaré tel, et pourtant il aura vécu six mois peut-être exposé à l’affreuse contagion des prisons. Fût-il coupable, la question est de savoir si cet homme qui a fait un premier pas dans la voie du crime, — on peut le retenir sur cette pente fatale, le ramener en le mettant hors du contact des criminels endurcis. Ainsi posée, c’est assurément une question digne de toute attention. Combien d’hommes on pourrait ainsi sauver! Le système cellulaire obvie à toutes les difficultés pour la détention préventive, et le même ordre de considérations morales, on le voit, peut encore s’appliquer à la détention devenue définitive. Dans tous ces projets au surplus, il faut surtout se garder des conseils d’une philanthropie étrange, fort en honneur de nos jours, et qui a une pitié particulière des criminels. S’il est des moyens, des genres de châtiment propres à racheter les âmes criminelles, à faciliter leur repentir et leur amendement, soit : il est juste et moral de les chercher; mais que ce soit toujours un châtiment, car autrement on arriverait à faire au criminel des conditions de bien-être supérieures à celles de l’honnête homme qui supporte virilement la pauvreté, et, au lieu de travailler à une réforme juste et salutaire, on obéirait, sous l’apparence d’une philanthropie écœurée, à l’impulsion de l’esprit révolutionnaire, qui tend à abolir dans la société la loi rigoureuse et nécessaire du châtiment.

Une autre question touchant un intérêt d’un ordre différent ou plutôt tous les genres d’intérêts, c’est la création d’une statistique générale de la France déterminée par un récent décret. L’empereur Napoléon, avec son grand sens politique, disait que la statistique était le budget des choses; par malheur, c’est un budget qui est loin encore d’être établi avec une parfaite clarté. Ce n’est point que de consciencieux et utiles efforts n’aient été consacrés à ce vaste travail d’investigation depuis long-temps, surtout, comme le rappelle avec justice le ministre de l’intérieur, depuis que le régime parlementaire, en soumettant tout à la publicité et à la discussion, avait rendu plus nécessaire la connaissance intime des divers élémens de la situation morale et matérielle de la France. Le décret actuel ne fait qu’organiser d’une manière plus certaine et plus étendue ce travail de recherche, en instituant une enquête permanente ouverte sur tous les intérêts du pays. La statistique est constituée comme une des branches de l’administration publique. Comment s’opérera cette enquête universelle? Par le concours de l’état et des particuliers, au moyen de commissions cantonales où se réuniront le maire, le juge de paix, le curé, des propriétaires, des industriels, tous ceux en un mot qui ont une donnée utile à fournir, ou qui peuvent servir d’intermédiaires auprès des populations, souvent tenues en défiance contre les investigations de toute sorte, parce qu’elles croient apercevoir la figure du fisc au bout de toutes les interrogations. Le résumé des travaux annuels de ces commissions locales de statistique devra être inséré au Moniteur. Et ici qu’on nous permette de rattacher à la pensée de ces utiles publications une petite question semi-politique, semi-statistique, semi-littéraire.

Le gouvernement vient de transformer le Moniteur; nous disons transformer, nous devrions dire plus simplement qu’il a réduit son prix. Jusqu’ici, c’est le seul changement apparent. Le but de cette réduction, c’est de favoriser