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Graham et lord John Russell ne s’entendront jamais sur les questions religieuses; M. Cobden ne sera jamais d’accord avec aucun de ces deux illustres personnages quant à l’essence même de la politique, c’est-à-dire les principes de gouvernement et la prépondérance de certaines classes. On ne peut regarder sans une certaine émotion la situation actuelle des partis politiques anglais; cette situation est pleine de périls, grosse de complications et d’inextricables difficultés.

Le parlement, nous l’avons dit, restera ce qu’il était avant les élections. Peu de membres nouveaux arrivent, peu de noms inconnus se sont produits, peu de membres anciens ont été écartés. Voici toutes nos anciennes connaissances : lord John Russell, lord Palmerston, sir James Graham, sir William Molesworth, sir Benjamin Hall, lord Dudley Stuart, M. Joseph Hume, M. Cobden, M. Bright, M. Milnes Gibson, M. Roebuck, sir Robert Inglis, M. Gladstone. Le baron de Rothschild est élu de nouveau pour la Cité de Londres, ce qui promet une discussion sur l’émancipation des Juifs dès l’ouverture de la session. À ce sujet, nous remarquerons que ces élections prouvent que le vent n’est pas précisément, en Angleterre, aux principes de liberté religieuse dans ce moment-ci. M. de Rothschild, suspect d’ailleurs aux électeurs de la Cité à cause de ses relations avec l’Autriche, a eu moins de voix que par le passé; les électeurs de Greenwich ont refusé leurs voix à l’alderman Salomons; les électeurs d’Oldham n’ont pas renouvelé le mandat de M. Fox l’unitairien, suspect de trop de libéralisme religieux et de principes trop larges. Partout où le ministère de lord Derby a obtenu un avantage éclatant, comme à Liverpool par exemple, il le doit aux passions religieuses, et non aux passions politiques. C’est ainsi que M. Cardwell a payé de son siège au parlement ses principes de tolérance et de liberté religieuse, et que M. Gladstone, dont les opinions puséyistes sont bien connues, a failli n’être pas réélu à Oxford. Le protestantisme a été le seul et unique auxiliaire du cabinet dans la lutte électorale, vide d’ailleurs cette fois d’incidens excentriques, de tumultes, de riots et autres embellissemens ordinaires et habituels en Angleterre. Il n’y aura cette année très probablement de tumulte et de riot qu’en Irlande, et malheureusement les scènes déplorables de Stockport sont un triste présage pour un avenir prochain et un triste prélude aux élections qui ne sont pas encore connues pour cette partie du royaume-uni. Signalons pourtant un fait curieux et tout nouveau, l’apparition de candidats socialistes en assez grand nombre : M. Feargus O’Connor, non réélu pour cause d’aliénation mentale, a trouvé des successeurs plus dangereux que lui peut-être, M. Ernest Jones, par exemple, chartiste des plus violens, et l’un des orateurs de la procession du 10 avril 1848. A Westminster, M. Cuningham, un socialiste dont l’esprit, si nous en jugeons par son discours aux électeurs, n’est pas des plus sains ni des mieux équilibrés, n’a pu prévaloir contre les deux candidats whigs, le général sir Lacy Evans et sir John Shelley. A Town-Hamleth, M. Newton, devenu tout récemment célèbre par son intervention dans la guerre que la société combinée des mécaniciens avait déclarée aux patrons et aux fabricans, a obtenu un assez grand nombre de voix. Jusqu’à présent, ce ne sont là que des indices, et l’on ne peut en tirer aucune conséquence; dans cinq ou six ans, aux prochaines élections, nous saurons quels progrès ont faits ces doctrines. N’oublions pas cependant à Edimbourg la candidature de M. Macaulay,