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Au-delà du Rhin, nous retrouvons la question douanière aux prises avec les mêmes difficultés que nous signalions il y a déjà un mois. Les passions paraissent dominer aujourd’hui les intérêts dans les débats ouverts sur l’avenir du Zollverein. Sans doute, la Prusse a depuis quatre ans fourni bien des prétextes au ressentiment, elle a blessé la susceptibilité et éveillé les soupçons de la plupart des gouvernemens de la confédération : les états secondaires pourtant ne poussent-ils pas trop loin les représailles, lorsqu’ils travaillent non-seulement à mettre la Prusse hors d’état de leur nuire, mais à la dépouiller encore du rôle commercial qui lui restait pour consolation du rôle politique qui lui échappe? « Ils aiment mieux, disait récemment un organe de l’opinion prussienne, ils aiment mieux devenir les humbles serviteurs, les instrumens de l’Autriche que d’être les commensaux de la Prusse. » La Prusse en effet, réduite aujourd’hui à une politique modeste, ne peut plus sérieusement porter ombrage aux états secondaires après les expériences infructueuses des dernières années, tandis que l’Autriche est dans une période de développement et d’expansion. Avec ses trente-sept millions d’ames, gouvernées par un pouvoir hardi, ne peut-elle pas peser sur l’Allemagne d’un poids bien autrement redoutable que quinze millions de Prussiens? — Oui, répondent les états secondaires pour justifier ce qu’il y a d’excessif dans leur politique présente, l’Autriche est puissante par le nombre de ses habitans, l’étendue et la richesse de son territoire; mais cette force, n’étant pas, comme celle de la Prusse, d’un caractère germanique, exerce moins d’influence, a moins de prise sur les imaginations qui rêvent l’unité allemande : elle ne peut éveiller les mêmes craintes de la part des gouvernemens fédérés. — Le raisonnement est peut-être plus spécieux que profond : ce n’est point sans danger que l’on joue avec l’ambition d’une puissance aussi sérieuse que l’Autriche. Il est douteux que les projets de réforme fédérale nourris par le cabinet de Vienne, et que l’on a pu apprécier au congrès de Dresde, soient plus favorables que ne le furent ceux de la Prusse à l’indépendance des états secondaires et des petits états de l’Allemagne. Et si l’on ajoute la suprématie commerciale à la suprématie politique que l’Autriche a reconquise dans la confédération, qui empêchera le comte de Buol de reprendre avec avantage les grandes pensées que le prince Schwarzenberg a léguées à ses successeurs? En définitive, sans avoir encore fait ostensiblement aucune démarche officielle pour se rapprocher du cabinet de Berlin, les coalisés de Darmstadt semblent mieux entrevoir aujourd’hui les conséquences politiques et commerciales qu’entraîne la dissolution du? Zollverein. Depuis que la Prusse les a mis en demeure de choisir entre l’Autriche et cette association de douanes qui a rendu tant de services à l’industrie allemande, ils ont ressenti un mouvement d’hésitation. Il est encore impossible de dire si l’intérêt prévaudra sur les passions. Toujours est-il que l’on n’aperçoit plus aujourd’hui, de la part des états secondaires, le même parti pris de rompre plutôt que de rien céder.

La Turquie a, dernièrement encore, été le théâtre d’un incident qui n’est pas sans gravité : un bâtiment de guerre de la marine française va franchir les Dardanelles, contrairement aux stipulations du traité qui en interdit l’entrée. Afin d’ajouter à la solennité de cet acte, le ministre de France, qui était en congé, choisit le même bâtiment de guerre pour retourner à son poste. On connaît les circonstances qui ont mis le cabinet de Paris en droit