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épars : c’est ce que nous avons fait avec un soin scrupuleux, sans ôter aux documens leur caractère, en donnant quelquefois au récit la libre allure de souvenirs personnels.

L’escadre que la France entretient depuis plusieurs années dans la Méditerranée, cette escadre que chacun a pu voir à Cherbourg en 1850, est un des puissans élémens de notre force nationale. Chaque jour elle rend des services au pays, soit à coups de canon contre nos ennemis, soit par l’appui que sa présence prête à nos négociateurs, soit enfin comme une école toujours ouverte, où nos officiers, aussi bien que nos matelots, viennent apprendre leur métier et s’inspirer de cet excellent esprit dont ils n’ont cessé de donner des preuves si éclatantes.

Les faits de guerre auxquels l’escadre a pris part ont été assez longuement racontés à chacune des époques où ils se sont passés : en reparler serait inutile ; mais il peut être intéressant, sans fatiguer le lecteur par des détails techniques, de lui faire connaître l’histoire de la formation de cette escadre, de le faire assister au travail de son organisation, de lui raconter le rôle qu’elle a joué au milieu des événemens accomplis dans ces treize dernières années.

Une escadre, comme une armée, forme un grand corps qui se meut et agit suivant la volonté qui lui est imprimée ; mais ce corps n’a de force et de valeur réelle qu’en vertu de l’éducation qu’il a reçue. Si cette éducation a été bonne, elle donne infailliblement de bons résultats ; si au contraire elle a été défectueuse, elle a pour suite inévitable de grands mécomptes et quelquefois de grands malheurs. Or l’éducation d’une escadre, comme celle d’une armée, est l’œuvre du temps. Les chefs qui l’ont successivement commandée, les événemens auxquels elle a été mêlée, la part qu’elle a été appelée à y prendre, toutes ces circonstances et d’autres font partie de cette éducation. C’est à ce point de vue que l’on voudrait se placer pour raconter ici l’enfance de notre escadre, suivre ses premiers pas dans la carrière, montrer comment s’est formé l’esprit qui l’anime, dire enfin les grands services que, sans faste et sans ambition, elle a rendus au pays.


I.

L’établissement naval de l’empire n’avait pas survécu aux désastres de 1814. Les tentatives du gouvernement de la restauration pour relever notre marine ruinée avaient été faibles et partielles, et l’on n’avait pu donner le nom d’escadre au rassemblement de navires destiné à seconder en 1823 les opérations de l’armée de terre contre Cadix. Ce ne fut qu’en 1830, lors de l’expédition d’Alger, que la France vit se former dans ses ports un grand armement maritime ; mais cet armement même n’était qu’un effort indigeste et temporaire. On avait